T.G.I. NANTERRE, Ordonn. 10 mai 2001

Cette décision concerne le problème suivant : des copropriétaires peuvent-ils exiger du syndicat qu’ils démontent une serrure électrique ou un digicode qui utilisent l’énergie électrique alors que des motifs religieux leur interdisent de toucher aux fermetures électriques durant le Shabbat et les fêtes juives ?

Les copropriétaires invoquaient la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Nous avons repris ici essentiellement l’argumentation spécifique à la loi de 1965 :

« Considérant […] qu’en l’espèce, le principe de la liberté religieuse et des cultes, invoqué par les époux E, a pour objet une liberté fondamentale de conscience, tandis que les règles du droit français de la copropriété, invoquées par le syndicat des copropriétaires, ont pour objet de consacrer, – par des règles impératives et d’ordre public – , le moyen de vivre en commun dans des immeubles divisés en lots appartenant à des propriétaires différents, sans qu’aucune de ces règles ne manifeste une quelconque dénégation de la liberté religieuse

Que la loi du 9 décembre 1905, également invoquée par Monsieur et Madame E, prévoit elle-même, en son article 1er, que la liberté de conscience et le libre exercice des cultes sont soumises à certaines « restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public » ; qu’elle précise en particulier, en son article 12, que les seuls édifices servant à l’exercice public des cultes dont les cathédrales, les églises, les chapelles, les temples, les synagogues, les archevêchés, les presbytères, les séminaires, liste qui pourrait certes être complétée mais, en aucun cas, en y ajoutant les parties communes d’un immeuble soumis au statut de la copropriété ;
Que l’article 9 de la Loi du 10 juillet 1965 exprime la mesure de cet équilibre nécessaire entre les libertés individuelles et la vie en copropriété en disposant que « chaque copropriétaire (…) use et jouit des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble »

Note :

Cette décision, bien argumentée, a l’intérêt de fournir un exemple sur les rapports entre intérêts individuels de certains copropriétaires et l’intérêt collectif du syndicat des copropriétaires.

La jurisprudence n’est pas unanime dans ce domaine ; on peut ainsi mettre cette décision en rapport avec un arrêt de la Cour d’appel de PARIS qui avait adopté une décision inverse (Cour d’appel de PARIS, 27 oct. 2000) et imposé au syndicat de copropriété de fournir aux copropriétaires qui le demandaient une clé mécanique.

Source : JURIS-HEBDO, 24 septembre 2001 page 3