T.A. PARIS 13 Mai 2014

Faute de s’insérer de manière cohérente dans le paysage urbain de la rue de Rivoli, une partie du projet de restructuration de la Samaritaine voit son permis de construire annulé par le Tribunal Administratif de Paris.

Note de M. Rémi GRAND :

Séparé en un « îlot Seine » et un « îlot Rivoli« , le projet de restructuration de la Samaritaine dans le premier arrondissement de Paris a fait l’objet de deux permis de construire, tous deux contestés devant le Tribunal Administratif.

Si le premier recours concernant l’îlot Seine n’a pas prospéré (v. TA Paris, 11 avr. 2014), le Tribunal a, par jugement du 13 mai 2014, annulé le permis de construire de sept étages sur trois niveaux de sous-sol à usage de commerce et de bureaux complété par la création de quarante logements sociaux.

Les requérants soutenaient que ce projet violait les dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) de la ville en ce qu’il ne s’intégrait pas au tissu existant (art. UG 11.1-3 du PLU qui encadre l’insertion des constructions nouvelles en prévoyant néanmoins que « l’architecture contemporaine peut prendre place dans l’histoire de l’architecture parisienne« ).

Ce projet impliquait, en effet, la réalisation d’une façade sur la rue de Rivoli constituée de verre sérigraphié translucide qui, selon les données fournies dans le dossier de permis de construire par l’architecte, se présente comme « une double peau de verre finement ciselée, à l’ondulation douce […] abolissant la notion classique de façade au profit d’une fine membrane établissant une interface subtile entre l’intérieur et l’extérieur […] et réfléchissant dans ses plis les immeubles alentours tout en laissant deviner les nouvelles activités de la Samaritaine à travers un jeu subtil d’ondulations irrégulières et maîtrisées ».

Analysant le projet au regard des dispositions du PLU, le Tribunal a tout d’abord relevé « que le tissu urbain du quartier entourant la Samaritaine, dans lequel s’insèrent de nombreux monuments, certains exceptionnels ou emblématiques, est surtout constitué d’immeubles de pierre construits au XIXème et au début du XXème siècle pour les constructions bordant la rue de Rivoli, et au XVIIIème siècle pour les immeubles des rues adjacentes ;

Que si les ornementations et les rythmes de ces immeubles peuvent avoir varié suivant l’époque de construction, l’homogénéité de l’ensemble est assuré par l’emploi de la pierre de taille en façade, par un même traitement des toitures, en pente, en ardoise ou en zinc, par une unité des registres décoratifs notamment ceux des fenêtres et des balcons, et par une relative régularité des volumes ;

Que si des façades d’immeubles voisins de la Samaritaine comportent des éléments disparates, voire peu heureux, la cohérence d’ensemble du tissu urbain de la section commerciale et populaire de la rue de Rivoli a cependant été globalement préservée« .

Analysant le moyen tiré du défaut d’insertion du projet dans son environnement urbain, le Tribunal considère « que si la notice architecturale indique que la façade relève d’une « architecture sensible, immatérielle et fluide », les documents graphiques ne confirment pas totalement cette impression ;

Qu’il ressort de la présentation qu’en a donné l’architecte dans le cadre de l’enquête publique que si le « voile de soie » recouvrant les boutiques du rez-de-chaussée et du premier étage « sera pratiquement translucide », la sérigraphie de la façade des étages supérieurs sera plus opaque en sorte que soit caché l’intérieur des bureaux ;

Qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que « les ondulations de la façade reproduisent le rythme des bâtiments de la rue de Rivoli » comme le soutiennent les auteurs du projet ;

Que le choix d’une façade ondulante exclusivement réalisée en verre compromet l’insertion de la construction nouvelle dans une artère représentative de l’urbanisme du XIXème siècle bordé d’immeubles de pierre où la notion classique de façade n’a pas été abolie, et ne contribue guère à mettre en valeur les édifices environnants ;

Que la juxtaposition de cette ample façade de couleur blanche, de 73 m de long et 25 m de hauteur, quasiment dépourvue d’ouvertures, sans autre élément décoratif que les ondulations verticales du verre sérigraphié, et d’immeubles parisiens en pierre, variés par traditionnels, apparaît dissonante ».

Le permis de construire est donc annulé par le Tribunal, la ville de Paris ayant déjà annoncé son intention d’interjeter appel.

Source : Dalloz Actualité, 16 mai 2014