T.A. MONTREUIL 15 Décembre 2014

Les garanties de loyers accordées lors de la vente de biens immobiliers peuvent-elles être soumises à la TVA ?

Note de M. Antoine MARMIER :

La société A. a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle le service des impôts a estimé qu’elle n’avait pas collecté, à tort, la taxe sur la valeur ajoutée relative à des garanties de loyers accordées lors de ventes de biens immobiliers.

La société A. conclut dans le cadre des constructions d’immeuble sous le régime de vente en l’état futur d’achèvement des contrats prévoyant deux types de garantie de loyers.

La première vise à faire face à l’absence de location initiale du logement. Elle consiste à ce que la société verse au réservataire du logement un loyer mensuel à compter du premier jour du deuxième mois qui suivra celui au cours duquel le bien acquis aura été livré et sur une période de six mois. Ce versement est conditionné par le fait que le réservataire donne mandat de gérer son bien à un gestionnaire agréé par la société A.

La seconde garantie permet au réservataire, dès l’entrée du premier locataire dans le logement et pour une durée de neuf ans, de percevoir le versement des loyers si le locataire ne les paye pas. Le réservataire doit régulariser le contrat lié à cette garantie et confier le mandat de gérer le bien à un gestionnaire agréé par la société A.

L’Administration a regardé ces garanties de loyers comme étant versées au titre d’une prestation distincte de celle de la vente du bien et relevant du champ d’application de l’article 256 du Code général des impôts (CGI). Elle a également estimé que ces sommes n’entrent pas dans le champ d’application du 1° du II de l’article 267 du CGI, qui exclut de la base d’imposition les réductions de prix consenties directement aux clients.

Au contraire, la société analysait les sommes versées au réservataire comme une diminution du prix de vente du bien immobilier. À l’appui de son argumentation, elle se prévalait d’un arrêt du Conseil d’État du 5 janvier 1994 (affaire UAP).

Dans cette affaire, la Haute assemblée a jugé qu’une somme forfaitaire versée, en application d’une clause du contrat de vente, comme garantie de loyer afin de pallier l’absence de location de bureaux ne pouvait être assimilée ni à des loyers ni à des recettes accessoires, ce qui faisait obstacle à ce qu’elle entre dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Le Tribunal Administratif de Montreuil a jugé que la réduction de prix accordée par la société A. n’était pas comparable à celle dont le Conseil d’État a eu à connaître dans l’affaire UAP.

Un indice formel tenait à ce que la mention relative aux garanties de loyer était placée en dessous de la signature du contrat par l’acquéreur et le vendeur.

Un motif d’ordre matériel était plus convaincant. Les garanties de loyer étaient en effet soumises à la réalisation de deux conditions.

La première, hypothétique, suppose qu’il n’y ait pas de locataire pour occuper le logement. Cela n’est pas un obstacle à ce que la somme versée comme garantie soit regardée comme une réduction de prix au sens de la jurisprudence UAP.

En revanche, une seconde condition implique une intention de la part du réservataire : confier la gestion du bien à un organisme agréé par le vendeur.

Cette condition conduit à analyser le mécanisme de garantie de loyer comme une incitation à prendre un gestionnaire de bien précisément identifié et, par conséquent, à souscrire un contrat de prestation de service distinct du contrat de vente de l’immeuble.

Aussi la somme versée au titre de la garantie de loyers ne peut être qualifiée de modalité de réalisation de la vente tendant à réduire le prix de vente des logements au sens de l’arrêt UAP.

Cette analyse est corroborée par le fait que dans le contrat type de mandat de gérance figurent deux mentions aux termes desquelles c’est la société de gérance du bien qui reverse la garantie de loyers au propriétaire du logement.

Dans ces conditions, le Tribunal a estimé que la garantie de loyers constituait une offre commerciale qui ne pouvait remettre en cause le prix de vente du bien convenu de façon ferme et définitive.

Il en a déduit que c’est à bon droit que l’Administration avait soumis les garanties de loyers à la taxe sur la valeur ajoutée.

Source : Dt. fiscal, 14/15, 242