Vente entre professionnels : un domaine d’activité similaire ne suffit pas pour la validité d’une clause limitative de garantie des vices cachés.
Note de M. Laurent LEVENEUR :
L’article 1643 du Code civil reconnaît un certain caractère supplétif à la garantie des vices cachés que l’article 1641 fait naître de la vente à la charge du vendeur : le vendeur « est tenu de vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie« .
Dans ce cas, c’est-à-dire dans le cas où le vendeur ignorait lui-même les vices, la stipulation de non-garantie – et a fortiori, également celle qui limite seulement la garantie – est valable.
En revanche, si le vendeur connaissait les défauts cachés, une telle clause est inefficace : la garantie est alors impérative et elle comporte même, en outre, à la charge du vendeur, l’obligation d’indemniser l’acheteur de tous dommages (C. civ., art.1645).
Toutefois, il faut tenir compte, dans la mise en œuvre de ces règles, de la présomption de connaissance des vices que la jurisprudence fait peser depuis plus de cinquante ans maintenant, sur le vendeur professionnel : présumé connaître les vices, celui-ci ne peut donc se prévaloir d’une clause élisive ou limitative de garantie.
La construction prétorienne réserve cependant une exception dans le cas où l’acheteur est lui-même un professionnel, et plus précisément un professionnel de la même spécialité que le vendeur : l’article 1643 du Code civil retrouve alors son empire et la clause relative à la garantie sa validité, dès lors du moins que le vendeur ne connaissait pas le vice caché.
Reste à apprécier l’identité de sa spécialité. C’est une question qui paraît a priori relever du pouvoir souverain des juges du fond, « sous la seule obligation, pour ceux-ci, de donner une base légale à leur décision dans la mise en œuvre de la condition« .
En l’espèce la Cour d’appel avait admis la validité de la clause, le contrat ayant été conclu « entre deux professionnels qui ont un domaine d’activité similaire » : l’un vend en effet des tôles, l’autre construit des hangars avec ces tôles… Ces domaines d’activités sont donc singulièrement proches.
Mais la Cour de cassation exerce tout de même un certain contrôle sur les conditions de validité de la clause relative à la garantie des vices cachés, comme le montre bien cette décision : elle casse l’arrêt attaqué pour manque de base légale, car ces motifs sont « impropres à établir que l’acquéreur était un professionnel de même spécialité que le vendeur« .
Comprenons donc qu’un domaine « similaire » d’activité ne suffit pas. Il faut une identité de spécialité !
Évidemment le cas est assez rare : le plus souvent un professionnel traite avec des contractants ayant une activité légèrement différente de la sienne.
Il s’ensuit que dès que la vente est conclue par un professionnel, le domaine de validité des clauses de limitation ou d’exclusion de la garantie des vices cachés est singulièrement réduit.