La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine comporte plusieurs mesures intéressant le droit public en général et le droit de l’urbanisme en particulier.
Note de M. Philippe DUPUIS :
1. Le nouveau régime des travaux aux abords des monuments historiques
• Régime ancien – Jusqu’à l’adoption de cette loi, le principe posé par l’article L. 631-30 du Code du patrimoine relatif aux travaux sur les immeubles situés à proximité des immeubles inscrits ou classés en tant que monuments historiques reposaient sur un double fondement.
Il convenait d’établir un périmètre de protection fixé a priori par un rayon de 500 mètres autour de cet immeuble et il convenait de surcroît qu’existe entre l’immeuble protégé et celui sur lequel les travaux étaient projetés une « covisibilité » à l’intérieur de ce même rayon.
• Nouveau régime – Afin de lutter contre ce qui apparaissait parfois comme trop systématique, ce régime est profondément rénové.
Désormais, la nouvelle rédaction de l’article L. 621-30 du Code du patrimoine substitue donc une protection au titre des « abords » à celle de l’ancien régime des immeubles situés dans le champ de visibilité d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques.
• Création du périmètre – Cette protection présente le caractère d’une servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols.
Elle concernera tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative.
Ce périmètre est créé par décision de l’autorité administrative, sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France, après enquête publique, consultation du propriétaire ou de l’affectataire domanial du monument historique et, le cas échéant, de la ou des communes concernées et accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale.
• Absence de création du périmètre – En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.
Ainsi, à défaut d’institution de périmètre par l’autorité administrative, c’est l’ancien périmètre de 500 mètres et la « covisibilité » qui continueront de s’appliquer par défaut.
• Conséquences – Les conséquences restent identiques à celles existantes, à savoir la nécessité d’une autorisation préalable en cas de travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble bâti ou non protégé au titre des abords.
2. Les sites patrimoniaux remarquables
L’article L. 631-1 du Code du patrimoine dispose que : « Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public.
Peuvent être classés, au même titre, les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur« .
À l’égal de la protection au titre des abords, il s’agit d’une servitude d’utilité publique.
Ce nouveau classement se substitue à un certain nombre de dispositifs existants : les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine.
• Création – Ces sites seront créés par décision du ministre chargé de la Culture, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture et enquête publique conduite par l’autorité administrative, sur proposition ou après accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale et, le cas échéant, consultation de la ou des communes concernées.
• Conséquences – À l’intérieur de ces périmètres, une autorisation préalable sera nécessaire pour les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis.
Seront également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des éléments d’architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, lorsque ces éléments, situés à l’extérieur ou à l’intérieur d’un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur.
3. Les domaines nationaux
L’article L. 631-24 du Code du patrimoine les définit comme « des ensembles immobiliers présentant un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation et dont l’État est, au moins pour partie, propriétaire.
Ces biens ont vocation à être conservés et restaurés par l’État dans le respect de leur caractère historique, artistique, paysager et écologique« .
Ils seront créés par décret en Conseil d’État et peuvent comprendre des biens immobiliers appartenant à l’État, à des collectivités territoriales, à des établissements publics ou à des personnes privées (C. patr., art. L. 621-35).
L’article L. 621-39 du Code du patrimoine prévoit que l’État sera averti de toute cession de l’une des parties d’un domaine national et crée ainsi un nouveau droit de préemption. Un décret viendra en organiser les modalités.
4. Une nouvelle pièce exigible pour certains lotissements
L’article 81 de la loi vient rétablir l’article L. 441-1 du Code de l’urbanisme.
Il s’agit de rendre de nouveau obligatoire lorsqu’un lotissement est mis en œuvre par un permis d’aménager, un projet architectural, paysager et environnemental.
Cette mesure nécessitera un décret afin de fixer le seuil de surface de terrain à aménager soumis à cette obligation.
5. Un seuil d’obligation au recours de l’architecte abaissé
L’article 82 vient quant à lui abaisser le seuil à partir duquel le recours à l’architecte est obligatoire en venant modifier l’article L. 431-3 du Code de l’urbanisme.
Le seuil de 170 m² de surface de plancher est donc abaissé à 150 m² pour les constructions des personnes physiques depuis l’entrée en vigueur de la loi, soit le 8 juillet 2016.
6. Dispositions diverses
On relèvera la modification de l’article L. 423-1 du Code de l’urbanisme permettant à l’autorité compétente en matière de délivrance de permis de construire d’en réduire le délai d’instruction lorsqu’un architecte a établi le projet architectural, alors même que le recours à celui-ci n’était pas nécessaire puisqu’entrant dans l’exemption du premier alinéa de l’article 4 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture.
Des dérogations aux règles de densité des constructions pour certains projets dont la réalisation présente un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l’innovation ou de la création architecturales seront possibles.
Par contre, l’article L. 152-5 du Code de l’urbanisme permettant de déroger aux règles des plans locaux d’urbanisme (PLU) relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions pour la mise en œuvre d’isolations ne s’appliquera plus aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, protégés au titre de leurs abords, situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou protégés par le règlement du PLU.
Enfin, et l’avenir nous dira si ceci dépasse l’anecdotique, l’article L. 650-2 du Code de l’urbanisme vient rendre obligatoire que le nom de l’architecte auteur du projet architectural ainsi que la date d’achèvement de l’ouvrage soient apposés sur l’une des façades extérieures de l’immeuble, tandis que l’article L. 650-3 du même Code rend désormais obligatoire la mention du nom de ce même architecte sur le panneau d’affichage de l’autorisation d’urbanisme implanté sur le terrain objet de l’autorisation.