LOI n° 2006-872 du 13 Juillet 2006

La loi du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement (dite loi ENL) ambitionne de remédier à la crise actuelle en matière de logement, en développant l’offre de logements et en garantissant la protection de l’acquéreur ou de l’occupant d’un logement.La loi du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement (dite loi ENL) ambitionne de remédier à la crise actuelle en matière de logement, en développant l’offre de logements et en garantissant la protection de l’acquéreur ou de l’occupant d’un logement.

Note de MM. William ALTIDE, David BOULANGER et Damien DUTRIEUX :

A. – Prévention des risques naturels, contrôles techniques et dossier de diagnostic technique

1° La prise en compte des risques naturels

Les dispositions générales du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) régissant la construction des bâtiments sont complétées par une Section 10 : Prévention des risques naturels. Elle contient deux articles nouveaux. 

Le premier article (CCH, art. L. 112-18) précise que, dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique ou cyclonique, des règles particulières de construction parasismiques ou paracycloniques peuvent être imposées aux équipements, aux bâtiments et aux installations dans les cas et selon la procédure prévus au Code de l’environnement en matière de prévention des risques naturels. 

Le second article (CCH, art. L. 112-19) renvoie à un futur décret en Conseil d’Etat, lequel organisera, à l’issue de l’achèvement des travaux de bâtiments soumis à autorisation de construire, un régime de contrôle du respect par le maître de l’ouvrage de ces prescriptions.

Les infractions à ces nouvelles dispositions seront pénalement sanctionnées. 

2° Contrôles techniques

D’abord, le premier alinéa de l’article L. 111-26 du CCH est complété pour rendre obligatoire, par décret en Conseil d’Etat, le contrôle technique de certaines constructions dont le fonctionnement est primordial pour la sécurité civile, la défense ou le maintien de l’ordre public.

Ensuite, une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 125-2-3 du CCH revient sur le contrôle technique des ascenseurs : il s’agit de rendre obligatoire l’assurance des personnes qui assurent le contrôle technique des ascenseurs contre les conséquences de leur responsabilité professionnelle. En outre, le texte nouveau redéfinit les garanties d’indépendance des responsables du contrôle technique des ascenseurs.

3° La mise en place du Dossier de Diagnostic Technique (DDT)

Des modifications de fond sont apportées en ce qui concerne les obligations de diagnostics.

Un état de l’installation intérieure d’électricité devra être réalisé en cas de vente de tout ou partie d’un immeuble à usage d’habitation lorsque cette installation a été réalisée depuis plus de quinze ans. Un décret en Conseil d’Etat viendra définir les modalités d’application de cette nouvelle obligation. Cet état intégrera le DDT (CCH, art. L. 271-4 à L. 271-6) avec l’ensemble des autres diagnostics compris dans ce document unique.

Cependant, le Sénat est à l’origine de l’exclusion des ventes d’immeubles à construire, visées à l’article L. 261-1 du CCH, du domaine du dossier de performance énergétique. En effet, l’article L. 134-2 du CCH prévoit déjà que, lors de la construction d’un bâtiment ou de l’extension de bâtiment, le maître de l’ouvrage fait établir le diagnostic de performance énergétique. Le législateur a entendu éviter au maître d’ouvrage la contrainte de devoir multiplier les études inutiles.Cependant, le Sénat est à l’origine de l’exclusion des ventes d’immeubles à construire, visées à l’article L. 261-1 du CCH, du domaine du dossier de performance énergétique. En effet, l’article L. 134-2 du CCH prévoit déjà que, lors de la construction d’un bâtiment ou de l’extension de bâtiment, le maître de l’ouvrage fait établir le diagnostic de performance énergétique. Le législateur a entendu éviter au maître d’ouvrage la contrainte de devoir multiplier les études inutiles.

B. – Vente d’immeubles à rénover et rétractation-réflexion

1° La vente d’immeubles à rénover

Un régime propre à la vente d’immeubles à rénover est consacré : le titre VI du livre II du CCH est complété par un chapitre II relatif à ce statut (articles L. 262-1 à L. 262-11). Le régime est applicable aux seuls immeubles à usage d’habitation ou mixtes à usage professionnel et d’habitation, mais il est d’ordre public.

L’article L. 262-1 du CCH qualifie cette vente d’opération par laquelle le vendeur s’engage à réaliser des travaux et exige de l’acquéreur le versement de sommes d’argent avant leur livraison. Toutefois, ne sont concernées que les rénovations qui ne réalisent pas de réhabilitation importante. En effet, sont exclus du champ d’application de ces dispositions les travaux d’agrandissement ou de restructuration complète de l’immeuble, assimilables à une reconstruction ; ceux-ci restent soumis au régime juridique de la VEFA.

La vente d’immeuble à rénover demeure soumise au droit commun de la vente du Code civil. Cependant, ces dispositions s’éclipsent, le cas échéant, devant le régime spécial inséré dans le CCH. Il impose la conclusion d’un contrat soumis aux règles prévues dans les articles L. 262-1 et reçu par un acte authentique contenant les mentions obligatoires prévues par l’article L. 262-4 du CCH.

Le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes ; les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution. L’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux. Le vendeur d’un immeuble à rénover demeure maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux. Il est tenu, pour les travaux dont il a la charge, de fournir une garantie d’achèvement et de souscrire les assurances de responsabilité et de dommages en matière de construction. Les travaux feront l’objet d’une réception et le vendeur sera tenu de la garantie des constructeurs.

Il n’est pas possible de recourir à une garantie intrinsèque d’achèvement : « La garantie d’achèvement des travaux est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit ou par une entreprise d’assurance agréée à cet effet » (article L. 262-7).

Par ailleurs, dès lors que la vente est précédée d’une promesse de vente, cette dernière doit comporter des mentions obligatoires relatives, en particulier, aux travaux à exécuter et au prix du bien immobilier. Egalement, elle comporte l’engagement du vendeur de produire, lors de la signature de l’acte authentique de vente, les justifications de la garantie d’achèvement des travaux et des assurances. Néanmoins, à la différence de la VEFA, il ne s’agit pas d’un contrat préliminaire n’emportant que réservation mais d’une véritable promesse de vente.

Un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application de ces dispositions, notamment le déroulement de la procédure contradictoire pour la livraison des travaux et de la procédure de déblocage des fonds consignés en fonction de l’avancement des travaux.

Les dispositions communes aux ventes d’immeubles à construire et à rénover sont reportées dans les articles L. 263-1 à L. 263-3 du CCH. Corrélativement, les articles L. 261-17 à L. 261-21 de ce code sont abrogés.Enfin, de façon générale en matière de rénovation immobilière, un nouvel article L. 111-6-2-1 du CCH prévoit qu’à peine des sanctions prévues à l’article L. 111-34 du même code, « le vendeur professionnel d’un immeuble bâti ou d’une partie d’immeuble bâti, à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, devant être rénové, doit justifier d’une assurance de responsabilité civile professionnelle« .

Par ailleurs, un article L. 111-6-2 dispose dans son alinéa 1er que « lorsque tout ou partie d’un immeuble est occupé par des locataires ou des occupants de bonne foi et que des travaux effectués présentent un caractère abusif et vexatoire, le juge saisi en référé peut prescrite l’interdiction ou l’interruption des travaux. Il peut ordonner leur interdiction ou leur interruption, sous astreinte le cas échéant ».

2° La rétractation-réflexion

La loi revisite le régime de la rétractation-réflexion de l’article L. 271-1 du CCH. Le texte modifié supprime toute référence à la forme d’un acte sous seing privé lorsqu’il s’agit d’un acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière susceptible d’une rétractation de l’acquéreur.

Dans sa version d’origine, l’article L. 271-1 prévoit : « Pour tout acte sous seing privé ayant pour objet …« . Dorénavant, le texte dispose : « Pour tout acte ayant pour objet… » : un acte authentique peut désormais faire l’objet d’une rétractation. Les avant-contrats, qu’ils aient été ou non dressés en la forme authentique, seront soumis au seul régime du délai de rétractation.

D’ailleurs, la référence à l’acte authentique ne se retrouve dans le texte modifié qu’à propos de l’acte définitif de vente, lorsque celui-ci n’est pas précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale. Il y a alors faculté de réflexion offerte à un candidat acquéreur.

La faculté d’opérer une notification de l’acte de vente par remise contre récépissé est valable si l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente. Le délai de rétractation court alors à compter du lendemain de la remise de l’acte, laquelle peut être faite directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Celle-ci doit être attestée selon des modalités qui seront fixées par décret.

C. – Sécurité des autorisations d’urbanisme et des constructions existantes

Plusieurs mesures concernent la sécurité des autorisations d’urbanisme, notamment celle permettant au juge de ne prononcer que l’annulation partielle d’une autorisation (nouvel art. L. 600-5 C. urb.).

1° Délai de retrait uniforme

Les trois nouvelles formes de permis de construire, d’aménager et de démolir, tacites ou explicites, pourront être retirées dans un délai fixé à trois mois à compter de leur délivrance (art. L. 424-5 C. urb.). L’entrée en vigueur du nouveau délai reste conditionnée par la publication des décrets d’application (au plus tard le 1er Juillet 2007).

2° Constructions illégales

En créant un nouvel article L. 111-12 et en modifiant l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, les articles 9 et 10 de la loi viennent, d’une part, permettre des travaux sur certaines constructions illégales (sans régularisation préalable) et, d’autre part, limiter pour l’avenir les effets d’un contentieux civil lorsqu’un permis de construire a été délivré.

Par ailleurs, concernant les constructions achevées après le 16 juillet 2006, le juge judiciaire ne peut être saisi d’une action en démolition que dans un délai de deux ans à compter d’une décision du juge administratif constatant l’illégalité du permis de construire (art. L. 480-13). Il en est de même en cas d’annulation d’un permis sur déféré préfectoral (nouv. rt. L. 600-6).

D. – Champ d’application du droit de préemption en matière d’urbanisme

La loi ENL modifie le champ d’application matériel du droit de préemption urbain renforcé et de celui applicable dans les Zones d’Aménagement Différé (ZAD).

D’une part, sont désormais exclues du champ d’application de ces droits de préemption les cessions par l’Etat ou ses établissements publics de terrains, bâtis ou non, destinés à la réalisation de logements dans les périmètres déclarés « opération d’intérêt national » par décret (C. urb. Art. L 213-1, g nouveau).

D’autre part, est exclue du champ d’application du droit de préemption urbain simple, la cession de la totalité des parts d’une Société Civile Immobilière (SCI), lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption (C. urb. Art. L 211-4, d nouveau).

En principe, la cession de parts d’une société (autre que d’attribution ou coopérative de construction) ne peut pas donner lieu à préemption par la commune.

En intégrant ce cas particulier de la cession de la totalité des parts de SCI représentant une unité foncière dans les exclusions spécifiques au droit de préemption urbain simple, la loi n’a pas d’autre objet que de permettre au conseil municipal de supprimer cette exception pour soumettre cette cession de parts au droit de préemption urbain renforcé.

Pour instituer une zone de droit de préemption urbain renforcé, la commune doit prendre une délibération spécialement motivée.

Source : JCP éd. Not. et imm., 29/06, 493