« Le juge administratif et le changement de destination de locaux existants » – Etude de M. Bernard STEMMER –

a) Aux termes de l’article L.421-1, alinéa 2, du Code de l’Urbanisme, le permis de construire est exigé lorsque les travaux à entreprendre sur un immeuble existant ont pour effet (notamment) d’en changer la destination.

La définition de ce changement a donné lieu à difficultés au cas particulier de la transformation d’un hôtel en logements d’habitation.

Alors que la Cour de Cassation admettait que « malgré leur mode d’exploitation différent, deux constructions, à usage d’habitation privée d’une part et à usage d’hôtel-restaurant d’autre part, ont une destination identique à une fonction de logement » (Cass. Civ. 14 mars 1978 – Cass. Crim., 19 déc. 1982 – mais cependant contra Cass. Crim. 11 février 1992), le juge administratif estime quant à lui que le passage de la destination d’hôtel à la destination d’habitation constitue, au regard de la règle d’urbanisme, un changement de destination entrant dans les prévisions de l’article L.421-1, alinéa 2, du Code de l’Urbanisme (En ce sens, TA PARIS 26 avr. 1983, TA NANTES 3 févr. 1979).

Il est à retenir qu’aux yeux du juge administratif du droit de l’urbanisme, la transformation d’un hôtel en logements est un changement de destination et exige donc que les travaux soient autorisés par un permis de construire.

L’Administration maintient cette solution de façon constante.

 

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b) Mais la même question a été posée au même juge à un autre point de vue.

Il s’agissait de savoir si les travaux effectués sur immeuble existant (… rénovations, réhabilitation…) pouvaient – et selon quels critères – être assimilés le cas échéant à des travaux de construction neuve, ce qui aurait pour effet de faire entrer l’opération dans le champ de la TVA immobilière (CGI, art. 257-7°).

Le Conseil d’Etat a dégagé les critères demandés, dans un arrêt du 26 mars 1980 (BODGI 8-A-13-80) en retenant notamment le critère de « création de nouveaux locaux, notamment dans des locaux affectés auparavant à un autre usage ». (Critères repris, pour son compte, par Cass. Com., 19 janv. 1988 : BOI 8 A-6-88).

Ainsi se trouvait derechef posée la question : les travaux réalisant une affectation à l’usage d’habitation de locaux précédemment utilisés à usage d’hôtel constituaient-ils le « changement d’usage » ou d’affectation, susceptible de faire entrer l’opération dans le champ de la TVA ?

Selon le Conseil d’Etat, ils ne le peuvent pas, parce que « par principe, l’immeuble a toujours été affecté à l’habitation » (CE 9 mai 1990 – V. Aussi CE 12 février 1990).

Mais il n’en reste pas moins que les décisions de justice tant du Conseil d’Etat que de la Cour de Cassation, continuent à maintenir le changement de destination parmi les critères à retenir pour savoir si une opération de rénovation d’immeuble existant entre ou non dans le champ de la TVA immobilière, et à cet égard le Conseil d’Etat confirme que la transformation d’un hôtel en appartements ne constitue pas un changement d’usage (de destination) des locaux concernés.

D’où il résulte qu’au regard de ce critère, ces travaux ne doivent pas être regardés comme emportant construction de nouveaux locaux au sens de l’article 31-I-1°-b du CGI.

Le juge fiscal a donc bien pris le parti inverse de celui du juge de l’urbanisme sur la qualification des travaux de transformation d’un hôtel en logements.

Ainsi les impératifs de la Puissance publique – contrôle des travaux par le permis de construire d’un côté, et avantage fiscal pour le Trésor Public en ce qui concerne l’application de la TVA immobilière d’autre côté – se retrouvent-ils préservés dans la jurisprudence administrative, sans que le sujet de droit puisse trouver, à l’examen, une justification effectivement juridique aux divergences de l’analyse.

Source : JCPN 2000 n° 6 page 266