Étude de Mme Rozen NOGUELLOU

La loi du 18 juin 2014 (dite loi ACTPE) procède à une réforme de l’urbanisme commercial et permet l’exploitation de fonds de commerce sur le domaine public.

Réforme de l’aménagement commercial

La réforme était attendue depuis la loi du 4 août 2008, dont l’objet était principalement d’éviter à la France une sanction européenne.

Un rapport avait préconisé l’absorption de l’urbanisme commercial par le droit de l’urbanisme (Rapp. Charié de 2009). Ce n’est pas ce à quoi procède la loi du 18 juin 2014, qui maintient un droit de l’urbanisme commercial spécifique, comme le montre le fait que les dispositions du Code de commerce relatives à la matière (C. com., art. L. 750-1 et s.) n’ont pas été supprimées ni recodifiées dans le Code de l’urbanisme.

Il ne s’agit donc pas d’une disparition du régime de l’urbanisme commercial, ni même d’une remise à plat de cette réglementation.

L’objectif de la loi est avant tout de fusionner les deux autorisations, tout en laissant perdurer les commissions d’équipement commercial et les objectifs poursuivis en la matière. Cela donne un dispositif dont on peut se demander s’il sera nécessairement plus simple, pour les opérateurs, que celui auquel il se substitue.

Dorénavant, le principe posé par l’article L. 425-4 du Code de l’urbanisme est que « lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du Code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial« .

La loi met donc en place une procédure d’avis conforme, délivré d’abord par les commissions départementales d’équipement commercial puis, en cas de recours, par la commission nationale d’équipement commercial. Le permis de construire ainsi délivré est soumis à des règles particulières : d’abord, il ne peut faire l’objet d’aucun transfert, l’article L. 425-4 du Code de l’urbanisme indiquant qu’il est « incessible et intransmissible« .
Le permis de construire peut être modifié par un simple modificatif dès lors que les modifications ne touchent pas à l’autorisation d’exploitation commerciale : si le projet subit une « modification substantielle au sens de l’article L. 752-15 du Code de commerce« , une nouvelle demande de permis doit être déposée.

Les délais d’instruction du permis sont évidemment particuliers puisqu’ils intègrent la saisine de la commission départementale. Ainsi, la commission départementale se prononce dans un délai de deux mois à compter de sa saisine, mais s’ouvre alors un délai d’un mois pour former un recours devant la commission nationale, laquelle doit rendre son avis dans un délai de quatre mois.

Le contentieux du permis valant autorisation d’exploitation commerciale a été aménagé par la loi et le désormais volumineux titre du Code de l’urbanisme relatif au contentieux a été complété de deux nouvelles dispositions.

Le législateur a d’abord cherché à distinguer les recours formés par les concurrents du bénéficiaire de l’autorisation d’exploitation commerciale et ceux formés par les autres tiers susceptibles de se voir reconnaître un intérêt à agir.

Ainsi, le nouvel article L. 600-1-4 du Code de l’urbanisme dispose que : « Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du Code de commerce d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4 du présent Code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale.

Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l’appui de telles conclusions.

Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 600-1-2 d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il vaut autorisation de construire.

Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale sont irrecevables à l’appui de telles conclusions« .

Par ailleurs, les recours dirigés contre les permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale seront jugés, en premier et dernier ressort, directement par les cours administratives d’appel.

Le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale doit être compatible avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale (SCOT), la loi rétablissant la possibilité pour les SCOT de prévoir un « document d’aménagement artisanal et commercial déterminant les conditions d’implantation des équipements commerciaux qui, du fait de leur importance, sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’aménagement du territoire et le développement durable« .

La loi ne modifie qu’à la marge la composition des commissions d’aménagement commercial et reprend les trois critères principaux à prendre en compte par les commissions pour délivrer les autorisations : aménagement du territoire, développement durable et protection des consommateurs. Enfin, la commission pourra, à titre accessoire, « prendre en considération la contribution du projet en matière sociale« .

Gestion du domaine public

La loi du 18 juin 2014 reconnaît la possibilité d’exploiter un fonds de commerce sur le domaine public (à l’exception du domaine public naturel).

Le nouvel article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose ainsi que : « un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre« .

Le juge administratif avait systématiquement refusé de reconnaître cette possibilité, considérant que « eu égard au caractère révocable, pour un motif d’intérêt général, d’une convention portant autorisation d’occupation du domaine public, ainsi que du caractère personnel et non cessible de cette occupation, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire » (CE, 31 juill. 2009).

La possibilité de disposer d’un fonds de commerce pose évidemment la question de la valorisation de celui-ci, ce qui doit se traduire par la possibilité de le céder.

La cession du fonds de commerce supposera que l’acquéreur demande par anticipation à l’autorité administrative une autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour l’exploitation du fonds (CGPPP, art. L. 2124-33), la loi envisageant également le sort de l’AOT en cas de décès de la personne exploitant le fonds de commerce (CGPPP, art. L. 2124-34).

Sans doute l’Administration ne perd-elle pas la possibilité de refuser la délivrance de la nouvelle AOT demandée, mais on voit bien que son pouvoir d’appréciation devrait être plus encadré.

Par ailleurs, la loi met en place un dispositif de présentation d’un successeur pour les titulaires d’une AOT dans une halle ou un marché, en cas de cession de son fonds (CGPPP, art. L. 2224-18-1).

La disposition finalement adoptée est plus protectrice du domaine public que celle initialement envisagée par le Gouvernement, qui prévoyait une transmission automatique du titre au successeur. En l’état, l’autorité administrative n’est tenue à rien sinon de motiver sa décision de refus.

Source : Droit administratif, 8-9/14, 64