La préemption du preneur en cas de cession de l’immeuble.
L’article 14 de la loi du 18 juin 2014 (dite « loi ACTPE » ou « loi Pinel« ) instaure un droit de préemption au profit du locataire commerçant, analogue au dispositif prévu par l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 en matière de locaux d’habitation, codifié sous un nouvel article L. 145-46-1 du Code de commerce.
Le premier alinéa prévoit, lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal a l’intention de le vendre, une information du locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.
La notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée.
Compte tenu de la sanction encourue (nullité de la notification), l’auteur de cette dernière devra veiller à n’omettre aucune des charges et conditions de la vente, quelle que soit la nature des éventuels avantages consentis ou des sujétions pesant sur le futur acquéreur.
La notification vaut offre de vente au locataire qui dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’offre pour se prononcer.
Si le locataire accepte l’offre, il dispose d’un délai de deux mois à compter de la date d’envoi de sa réponse « pour la réalisation de la vente« .
Si dans sa réponse, le locataire indique avoir l’intention de recourir à un prêt :
– l’obtention du prêt constitue une condition suspensive de son accord,
– et le délai prévu pour la réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Le texte précise que faute de réalisation de la vente dans ce délai, « l’acceptation de l’offre est sans effet« .
Le troisième alinéa envisage l’hypothèse dans laquelle le propriétaire déciderait ultérieurement de vendre « à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur« .
Comme en matière de locaux d’habitation, le bailleur ou à défaut le notaire chargé de la vente, doit à peine de nullité de cette dernière, notifier les nouvelles conditions et prix dans les formes prévues pour la première notification.
Cette nouvelle notification vaut offre de vente au profit du locataire, à nouveau pendant un mois à compter de sa réception et, alors que le texte ne précise pas expressément, s’agissant de la première offre de vente que le défaut d’acceptation dans le délai du mois entraînera sa caducité, la conséquence est ici expressément mentionnée pour le défaut d’acceptation de la deuxième offre.
L’alinéa 5 du texte impose la reproduction des quatre premiers alinéas dans chaque notification à peine de nullité.
Enfin, le dernier alinéa a pour objectif de préserver la liberté de cession du bailleur :
– lorsque la vente porte sur un ensemble plus vaste, l’hypothèse visée à l’origine, d’après le rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée étant celle « de la vente d’un centre commercial ou d’une galerie marchande« ,
– et aussi en cas de cession d’un portefeuille d’actifs immobiliers portant sur des locaux commerciaux situés dans des lieux différents.
Le texte prévoit donc qu’il n’est pas applicable en cas de :
– « cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial« , ledit ensemble pouvant donc aussi correspondre, au-delà des centres commerciaux ou galeries marchandes évoqués lors des débats, à un parc d’activités ou « campus » d’entreprises par exemple,
– « cession unique de locaux commerciaux distincts« ,
– « cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial« , ce qui doit a priori se comprendre comme faisant référence à la vente par un propriétaire d’un local situé dans un ensemble commercial, à un autre copropriétaire du même ensemble, malgré une rédaction imprécise,
– « cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux« .
Malgré l’emploi du pluriel, le texte vise probablement toute vente globale d’un immeuble mixte, à usage commercial et d’habitation, même si la partie commerciale correspond à un local unique.
Enfin, échappent au droit de préemption du preneur, les ventes, même portant sur un local isolé, intervenant au profit du conjoint du bailleur, d’un ascendant ou descendant ou leurs conjoints.
Par ailleurs, l’article 21 de la loi prévoit que les dispositions organisant le droit de préemption au profit du preneur s’appliqueront « à toute cession d’un local intervenant à compter du sixième mois qui suit la promulgation de la loi« .
Contrairement à ce qui est prévu pour l’application d’autres articles de la loi nouvelle, il n’est donc pas question du « premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi », mais « du sixième mois qui suit« .
On devrait donc en déduire que les bailleurs devront mettre en mesure leurs locataires d’exercer leur droit de préemption, dès lors que la réalisation de la vente projetée sera prévue pour intervenir à compter du 18 décembre 2014, la loi ayant été promulguée le 18 juin 2014.
La prudence commanderait cependant de faire de même pour toute vente intervenant à compter du 1er décembre 2014.