De la nécessité de prendre en compte les droits d’auteurs dans les programmes immobiliers de rénovation.
La Région Ile-de-France avait confié à M. V, architecte, les travaux d’étanchéité de façades et de réparation des bétons d’un lycée. Tous les bétons des bâtiments ont été repeints, y compris les deux monolithes de 6 et 10 mètres marquant l’entrée du lycée, l’un d’eux bénéficiant en outre d’une couverture en métal pour éviter aux eaux de ruisseler et de couler le long de la structure.
Or ces deux monolithes constituaient une sculpture monumentale, distincte du bâtiment, commandée en 1976 au titre du 1 % de décoration des bâtiments publics. Marcel Petit, son auteur, estimant que ce choix de peindre en rose ces monolithes avait porté atteinte à son œuvre, a fait citer l’architecte à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Bobigny.
Après une décision de relaxe en première instance de l’architecte, la Cour d’appel de Paris, saisie uniquement de l’appel de la partie civile, a débouté le sculpteur de ses demandes aux motifs que « s’il y a eu atteinte au droit moral de M. Petit, il n’y a ni reproduction, ni représentation, ni diffusion des sculptures mais seulement modification ou altération de ses œuvres« .
Cet arrêt est cassé par la chambre criminelle dans une décision du 3 septembre 2003, sur le visa des articles L. 335-3 et L. 122-2 du Code la Propriété Intellectuelle (CPI), car « une nouvelle représentation de l’œuvre est réalisée par sa communication au public sous une forme altérée ou modifiée« .
A –Identification des œuvres protégées
Les fresques, bas reliefs, mosaïques, fontaines mais aussi, et surtout, les œuvres d’architecture doivent être identifiés. Pour cette recherche, il convient de garder à l’esprit que ni dépôt, ni mention obligatoire comme le © ne sont nécessaires pour que des dessins, sculptures, plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à l’architecture bénéficient d’une protection. Le droit d’auteur français requiert uniquement la démonstration du caractère original de l’œuvre.
Question de fait, l’examen du caractère original d’une œuvre est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond. Les juges vérifient alors que la création porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et ne répond pas juste à des considérations techniques. Il a été ainsi jugé, dans un arrêt du 27 septembre 1997 de la chambre criminelle de la Cour de cassation :
« Des plans d’architecte ont le caractère d’une œuvre de l’esprit protégée par le Code de la Propriété Intellectuelle, dès lors qu’ils portent la marque de la personnalité de leur auteur qui, bien que contraint de respecter les directives administratives, ne s’est pas limité à fournir une simple prestation technique, mais a fait œuvre de création originale ».
B – La consultation des auteurs préalablement au lancement des travaux
Avant d’entamer les travaux de restauration, il est recommandé de soumettre le projet de modifications à l’auteur pour recueillir son accord. Faute d’anticipation, le responsable d’un projet de rénovation risque de se heurter à un artiste resté attaché à son œuvre, même après 25 ans, et acceptant mal d’être placé devant le fait accompli et qui aurait préféré par exemple que ses sculptures conservent leur patine.
Il ressort des jurisprudences en cette matière que le comportement adopté par le responsable du projet s’avérera en effet décisif en cas de litige.
Dans l’hypothèse d’une œuvre à vocation utilitaire, voire d’une œuvre d’art pur s’inscrivant dans un ensemble utilitaire, l’auteur ne pourra opposer un refus arbitraire à des modifications imposées par des contraintes techniques ou pour répondre à un changement des besoins, comme le précise un arrêt du 7 janvier 1992 de la première chambre civile de la Cour de cassation :
« La vocation utilitaire d’un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre à laquelle son propriétaire est en droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à des besoins nouveaux ».
En revanche, les conséquences d’une décision d’ignorer les droits d’auteurs peuvent s’avérer importantes, tant d’un point de vue pécuniaire qu’en terme d’image de marque.
Il résulte de l’arrêt du 3 septembre 2002 de la Cour de cassation que les personnes responsables du projet, ainsi que la personne pour le compte de laquelle les travaux sont effectués, risquent désormais une condamnation pénale pour contrefaçon.
Or la peine maximale encourue pour de tels actes est alors de deux ans d’emprisonnement, 150.000 euros d’amende portés à 750.000 euros en cas de condamnation d’une personne morale.