Etude de Me Jean-Marc TALAU

Actualité du contentieux des autorisations d’aménagement commercial.

Dans l’attente de la réforme de l’urbanisme commercial qui a été gelée depuis un an, c’est la validation des autorisations délivrées par la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (CNAC) qui résulte de la jurisprudence la plus récente.

Si une série d’autorisations sont annulées, c’est au motif formel de l’absence d’avis du ministère chargé de l’économie, distinct de l’avis du commissaire du gouvernement devant la CNAC. Il a été néanmoins précisé qu’il « ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire que les décisions de la CNAC doivent apporter la preuve de ce que les avis des ministres intéressés ont été portés à sa connaissance par le commissaire du gouvernement » et que dès lors, le simple moyen tiré de ce qu’une décision de la CNAC n’a pas apporté la preuve du respect de cette procédure, qui manquait en fait en l’occurrence, a été écarté (CE, 4 avr. 2012, n° 352587, Sté Eaudisse).

De manière plus générale, la jurisprudence a fait une application stricte des conditions de recevabilité des recours contre les décisions de la CNAC, en déclarant irrecevables, pour défaut de qualité et intérêt à agir, des sociétés concurrentes exploitant des établissements commerciaux au-delà des limites de la zone de chalandise, après avoir néanmoins considéré l’absence d’irrégularité dans la délimitation de la zone de chalandise (CE, 4 avr. 2012, n° 353205, Sodimar).

De manière intéressante, des sociétés concurrentes ont aussi échoué à faire valoir au soutien de la recevabilité de leur recours contre une autorisation, qu’une autorisation d’exploitation leur avait été refusée ; le Conseil d’État considère qu’il ne ressort pas du dossier que la CNAC se serait fondée sur ce refus, pour accorder l’autorisation contestée, et déclare donc irrecevables les requérantes n’exploitant pas d’établissement dans la zone de chalandise (CE, 4 avr. 2012, n° 353165, Sté Penn Ar Roz et Sté Chesse).

L’intérêt aussi de la jurisprudence récente, réside dans l’affirmation du caractère inopérant d’une série de moyens tirés de la violation prétendue par les décisions de la CNAC :

– des orientations de directives territoriales d’aménagement ainsi que d’un schéma de développement commercial non contraignant, non comparables à un SCOT (CE, 22 févr. 2012, n° 335062, Cne du Havre ; V. aussi : CE, 30 janv. 2012, n° 337887, Sté Supermarchés Match) ;

– ou d’un document d’aménagement commercial (DAC) provisoire non suivi d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT) dans les deux ans (de nature à rendre le DAC définitif par application de l’article L. 752-1 II du Code de commerce) et qui était devenu caduc à la date à laquelle a statué la CNAC (CE, 4 avr. 2012, n° 352587, précité) ;

– ainsi que des moyens tirés des dispositions issues de législations indépendantes : « Les autorisations d’aménagement commercial et les autorisations délivrées en application du Code de l’urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes… La requête ne saurait utilement se prévaloir de ce que les terrains d’assiette du projet seraient inconstructibles en application de l’article L. 111-1-4 du Code de l’urbanisme » (CE, 4 avr. 2012, n° 353456, Sté Valdis), ou des dispositions de l’article L. 110 du Code de l’urbanisme (CE, 22 févr. 2012, n° 335062, précité).

Il a même été précisé que « la circonstance qu’un permis de construire a été délivré avant l’autorisation d’exploitation commerciale est sans influence sur la légalité de la décision attaquée » (CE, 14 nov. 2011, n° 338212, Sté Waldijo).

Quant à l’incompatibilité d’un projet commercial avec un SCOT, le moyen recevable (encore faut-il que le SCOT ne soit pas en cours d’élaboration : CE, 30 janv. 2012, n° 337887, précité), n’est cependant toujours pas déterminant en pratique.

Ainsi a-t-il été considéré que le SCOT qui préconise le développement des activités à vocation industrielle, logistique, portuaire ou tertiaire « n’implique pas, dans la zone concernée, l’interdiction d’installations de nature commerciale« , en l’occurrence un centre de magasin de marques d’une surface de 15.215 m² comprenant une centaine de boutiques (CE, 22 févr. 2012, n° 335062, précité).

Source : JCP éd. Adm. et coll. terr., 18/12, 291