Autorisation de réaliser les aménagements intérieurs et permis de construire d’un établissement recevant du public.
L’article R. 425-15 du Code de l’urbanisme, créé par le décret du 5 janvier 2007, prévoit que : « le permis de construire tient lieu d’autorisation prévue à l’article L. 111-8 du Code de la construction et de l’habitation dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité compétente« .
Ce dispositif qui permet au pétitionnaire de déposer un dossier unique aboutissant à une décision unique, a été conçu comme un outil de simplification administrative.
À l’usage, la confusion des autorisations a toutefois suscité des difficultés d’application notamment lorsque le pétitionnaire dépose une demande de permis de construire pour un projet dit de « coquille-vide« , dont il ignore de manière complète l’aménagement intérieur des futurs locaux.
Autorisé à modifier par voie d’ordonnance la rédaction des dispositions législatives du Code de l’urbanisme, le gouvernement a complété les dispositions de l’article L. 425-3 du Code de l’urbanisme pour que les aménagements intérieurs d’un établissement recevant du public (ERP) puissent faire l’objet d’une autorisation obtenue postérieurement à la délivrance d’un permis de construire (A).
La question de la légalité de certains permis de construire délivrés pour des coquilles vides antérieurement à l’entrée en vigueur de cette réforme reste toutefois en suspens (B).
A. – Une autorisation unique inadaptée à la réalité de certains projets de construction
D’une façon générale, le permis de construire ne concerne pas en tant que tel l’aménagement intérieur d’une construction, si ce n’est à travers la destination de l’ouvrage.
Ainsi, lorsqu’un permis de construire a pour objet d’autoriser la construction d’un immeuble destiné en totalité ou partiellement à recevoir du public, le dossier de demande présenté par le pétitionnaire doit détailler les aménagements intérieurs qui seront réalisés par ses soins.
Toutefois, dans la pratique les professionnels de la construction conçoivent des opérations complexes consistant à réaliser des ensembles immobiliers dont certaines parties, destinées à la commercialisation, sont livrées « brutes de béton ».
Cette pratique a été sanctionnée par la Cour Administrative d’Appel de Versailles (CAA Versailles, 29 déc. 2009) qui a annulé le permis de construire d’un immeuble à usage d’habitation dont le rez-de-chaussée devait être occupé par une crèche pour laquelle la réalisation des aménagements intérieurs n’était pas prévue dans le cadre du permis de construire.
La Cour a considéré que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de construction de l’ERP n’ayant pas été en mesure de contrôler que l’aménagement intérieur des locaux de l’ensemble du projet immobilier respectait la règlementation de sécurité et d’accessibilité applicable à ce type d’établissement, le permis de construire ne pouvait tenir lieu d’autorisation ERP.
Dans la mesure où il était ainsi exigé que l’intégralité des aménagements intérieurs du projet immobilier soit portée à la connaissance des services instructeurs, la légalité des permis de construire pour des projets de « coquilles-vides » était compromise.
B. – Clarification et incertitudes du régime des autorisations ERP modifié par l’ordonnance du 22 décembre 2011
Afin de tenir compte de la pratique des projets de « coquilles-vides », l’ordonnance du 22 décembre 2011 relative à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme a ajouté un second alinéa à l’article L. 425-3 du Code de l’urbanisme qui dispose désormais que « lorsque l’aménagement intérieur d’un établissement recevant du public ou d’une partie de celui-ci n’est pas connu lors du dépôt d’une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du Code de la construction et de l’habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public« .
L’article 10 du décret du 28 février 2012 précise que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’aux demandes d’autorisation de construire déposées à compter du 1er mars 2012.
Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 22 décembre 2011 indique que ces dispositions ont pour objet « de rendre possible la délivrance d’un permis de construire » pour un établissement recevant du public dont les aménagements intérieurs ne sont pas intégralement déterminés au jour de la délivrance du permis de construire.
Ainsi, si l’objectif de sécuriser la pratique des professionnels de la construction est sans aucun doute atteint pour les demandes de permis de construire déposées depuis le 1er mars 2012, cette ultime réforme n’a pas clarifié la question de la légalité des permis de construire délivrés avant l’entrée en vigueur de cette réforme mais avec prescription d’obtenir une autorisation ERP complémentaire.
L’hypothèse d’un permis avec de telles prescriptions avait d’ailleurs été expressément envisagée par l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Versailles précité dont la motivation relevait : « qu’au surplus, le permis de construire en cause n’était pas accordé sous réserve de l’obtention d’une autorisation spécifique concernant la crèche en question« .
En outre, l’article R. 123-43 du Code de la construction et de l’habitation précise les rôles respectifs des « constructeur, installateur et exploitant (…) tenu chacun en ce qui le concerne, de s’assurer que les installations ou équipements sont établis, maintenus et entretenus en conformité avec les dispositions de la présente règlementation« .
Ainsi, dans la mesure où le bénéficiaire d’un permis de construire peut réaliser uniquement les travaux autorisés au titre de son permis, il ne pouvait être considéré que le permis de construire d’un projet de coquille vide tenait lieu d’autorisation ERP pour des travaux non prévus au permis, tels que l’aménagement intérieur de la construction.
Ainsi, même avant l’entrée en vigueur de la réforme, il n’était pas exclu qu’un permis de construire ait été délivré avec une telle prescription pour la réalisation d’un projet de coquille vide.