Avant la conclusion du contrat, tout n’est pas permis : le droit positif régule la période précontractuelle tant au niveau de la rupture des pourparlers que par la notion d’accord de principe.
Sur la rupture des pourparlers
Après avoir beaucoup insisté sur l’exigence de loyauté dans les négociations, on assiste à un mouvement de recul en jurisprudence.
Le principe est que les négociations sont libres et que leur rupture n’est pas source de responsabilité.
Il n’y a de responsabilité que s’il y a une faute détachable de la rupture.
Ce peut être une exploitation des circonstances de la négociation aux fins de capter des informations confidentielles.
Ce peut être également une négociation que l’on fait traîner en longueur sans intention réelle de conclure, dans le seul but, finalement, d’occuper un partenaire et de lui faire perdre son temps.
Les principaux apports de la jurisprudence sur le sujet concernent aujourd’hui l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers (les deux principaux arrêts sont : Cass. com., 26 nov. 2003 et Cass. 3e civ., 28 juin 2006 : « une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat« ).
Il est aujourd’hui admis que la victime ne peut plus demander des dommages-intérêts équivalents à la perte de chance des gains attendus du contrat.
La perte des gains attendus du contrat est une conséquence de la rupture, pas de la faute détachable qui justifie une responsabilité.
Le préjudice causé par cette faute, c’est essentiellement une perte de temps. Ce n’est même pas, vraisemblablement, la perte des opportunités qui auraient pu être obtenues auprès de concurrents.
Car de fait, sauf accord sur le principe de négociations exclusives, rien n’empêchait les parties de faire jouer la concurrence.
Le projet de réforme en cours du droit des obligations intègre la jurisprudence récente (Projet Chancellerie, juill. 2008, art. 20 et s.).
Sur l’accord de principe
Il y aurait là une forme de régulation dans la mesure où il s’agirait de poser qu’à un certain moment des négociations, il n’est plus possible de reculer.
Il y aurait un accord de principe de sorte que rompre les négociations ne serait plus seulement une faute mais l’inexécution d’un contrat.
La très abondante jurisprudence dans laquelle sont évoqués des accords de principes fait plutôt ressortir leur caractère peu contraignant que l’inverse.
Tout d’abord, lorsque la formation d’un contrat suppose l’accomplissement d’une formalité, comme par exemple l’émission d’une offre préalable à la conclusion d’un prêt, l’accord de principe ne peut jamais se substituer à la formalité (v. Cass. 3e civ., 7 nov. 2007).
La solution donne un aperçu de la faible portée de l’accord de principe.
L’accord de principe est généralement compris comme un processus non contraignant (v. Cass. 1re civ., 18 sept. 2008), prenant place au cours des pourparlers (v. Cass. 1re civ., 10 déc. 1991) et dont le principal effet est d’inviter les parties à poursuivre de bonne foi les négociations engagées (Cass. com., 2 juill. 2002, jugeant « qu’un accord de principe oblige seulement la banque à poursuivre, de bonne foi, les négociations avec la SCI« ).
C’est d’ailleurs en ce sens que le projet de réforme du droit des obligations en cours définit l’accord de principe.
Les parties sont d’accord sur le principe d’un contrat, à la condition cependant de débattre du contenu. L’une des parties dit : « je suis vendeur » et l’autre : « je suis acheteur« .
En revanche, il n’y a aucun accord sur le contenu d’un contrat qui, à ce moment, demeure purement éventuel.
L’accord de principe ne crée donc guère plus d’engagement qu’une simple entrée en négociation.
Avec deux nuances.
Premièrement, peut-être la faute dans la rupture des négociations sera-t-elle aisément admise.
Deuxièmement, il semble qu’il faille alors considérer que la responsabilité est contractuelle.
C’est en ce sens qu’est le projet de la Chancellerie (Projet Chancellerie, juill. 2008, art. 22).
De temps en temps, malgré tout, l’accord de principe se voit reconnaître une portée plus substantielle. Il s’entend alors d’un accord sur les éléments essentiels du contrat.
Par exemple, dans une vente, sur la chose et le prix.
Dans ce cas, de deux choses l’une : soit les parties n’ont pas subordonné la conclusion du contrat à un accord sur d’autres éléments du contrat, et dans ce cas l’accord de principe vaut contrat (v. Cass. com., 7 avr. 2004) ; soit, au contraire, elles ont prévu de poursuivre leurs négociations sur lesdits éléments, ces derniers revêtant alors aux yeux des parties une importance telle qu’à défaut d’accord les concernant, le contrat ne sera jamais conclu.