I Constructions régulièrement édifiées
Le fait qu’une construction édifiée conformément à un permis de construire devenu définitif puisse ultérieurement faire l’objet d’une contestation, voire d’une démolition, dans le cadre de l’action civile en responsabilité pour violation de règles d’urbanisme, est depuis longtemps dénoncé comme un puissant facteur d’instabilité juridique, notamment lorsqu’il s’agit de commercialiser un programme en état futur d’achèvement.
Le rapport Pelletier avait préconisé de « circonscrire l’action civile de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, en cantonnant la possibilité d’une condamnation à démolition à l’hypothèse d’une annulation préalable du permis de construire, sans préjudice des dispositions générales du droit des biens« .
C’est désormais chose faite avec le nouvel article L. 480-13, aux termes duquel « Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative« .
Lorsqu’un permis est définitif, la construction qu’il autorisait devient donc définitive, la procédure de constat d’illégalité du permis ne pouvant plus être menée à l’appui d’une demande en démolition.
Il convient de nuancer ce propos en rappelant que les actions en responsabilité civile pour trouble anormal de voisinage ou pour violation d’un droit réel ou d’une servitude conventionnelle restent régies par leurs règles propres, n’étant concernées ni par l’ancien ni par le nouvel article L. 480-13.
De même, que n’est pas concernée l’action en responsabilité civile pour violation d’une règle d’urbanisme lorsque la construction a été édifiée sans permis ou de façon non conforme au permis. La prescription demeure alors la prescription décennale de l’article 2270-1 du Code civil.
Enfin, si le permis est annulé, la jurisprudence de la Cour de cassation devrait continuer à s’appliquer, en contrôlant l’existence d’un préjudice et celle d’un lien direct entre le préjudice et la violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique.
L’action en responsabilité civile doit être engagée, non plus dans le délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux, mais dans le délai de deux ans à compter de la décision définitive d’annulation du permis.
La prescription antérieure continue toutefois à courir lorsque l’achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi portant Engagement National pour le Logement (ENL) du 13 juillet 2006.
Afin de renforcer l’état de droit en matière d’urbanisme, l’article 12 de la loi ENL insère dans le Code de l’urbanisme un nouvel article L. 600-6 qui ouvre au préfet la possibilité d’une action civile en démolition d’une construction dont le permis de construire avait fait l’objet d’un déféré préfectoral suivi d’une décision juridictionnelle d’annulation.
Cette action civile du préfet, promu au rang de « tiers lésé« , est enfermée dans les délais et conditions du nouvel article L. 480-13 a.
Il s’agit donc bien du seul cas de figure où la construction a été édifiée conformément à un permis de construire, avant que le déféré préfectoral n’ait entraîné une annulation juridictionnelle du permis, pour un motif non susceptible de régularisation.
II Constructions irrégulièrement édifiées
Lorsqu’une construction est irrégulièrement édifiée, c’est-à-dire sans permis de construire ou en méconnaissance des prescriptions d’un permis, l’action pénale peut être engagée dans le délai de trois ans à compter de l’achèvement des travaux.
L’action civile est enfermée dans le délai de dix ans de l’article 2270-1 du Code civil.
Le rapport Pelletier avait souhaité que soit mis fin au régime d’imprescriptibilité administrative des constructions irrégulières, en admettant qu’à l’issue d’un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux, délai correspondant à la prescription décennale de l’action civile quasi délictuelle, la non-observation des règles applicables au permis de construire ne puisse être opposée, la construction étant alors réputée régulière, avec toutes conséquences de droit.
Il s’agissait donc de donner une existence juridique à des travaux ou constructions dont l’existence de fait ne pouvait être remise en cause, en raison de l’écoulement des délais de prescription de toutes actions pénales ou civiles.
L’article 9 de la loi ENL introduit donc dans le Code de l’urbanisme un nouvel article L. 111-12 rédigé comme suit :
« Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme.
Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables :
– lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
– lorsqu’une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l’article L. 480-13 ;
– lorsque la construction est située dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du Code de l’environnement ou un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code ;
– lorsque la construction est sur le domaine public ;
– lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ;
– dans les zones visées au 1° du II de l’article L. 562-1 du Code de l’environnement ».
Sont donc concernées les constructions réalisées sous couvert d’un permis de construire annulé postérieurement à leur achèvement, et qui n’ont pu faire l’objet d’une régularisation par la délivrance d’un nouveau permis, et les constructions dont la réalisation a été non-conforme aux prescriptions du permis, entraînant, faute de régularisation, le refus du certificat de conformité.
Encore faut-il réserver le cas d’une non-conformité d’une telle ampleur que la construction pourrait être requalifiée de construction sans permis, n’ayant plus guère de liens avec le projet tel qu’il avait été autorisé.
Seraient également concernées par la nouvelle prescription administrative les constructions dont les modifications auraient dû faire l’objet d’une déclaration de travaux et qui n’ont pas été déclarées, bien que l’on puisse s’interroger sur la notion de « construction initiale » telle qu’elle figure dans le premier alinéa de l’article L. 111-12.