L’ordonnance du 10 février 2016 introduit dans le Code civil de dispositions consacrées à la négociation et à l’échange des consentements.
1. La négociation
Neutralité des articles 1112 et 1112-2. – Le sort des articles 1112 et 1112-2 du Code civil peut d’abord être rapidement réglé.
Le premier n’est que la réitération de principes généraux bien connus.
Il affirme en son alinéa 1er la soumission de la phase de négociation contractuelle à deux principes cardinaux du droit des contrats – et désormais consacrés comme tels aux articles 1102 et 1104 – au respect de la liberté contractuelle et à l’exigence de bonne foi.
Quant à l’alinéa 2, qui limite l’étendue du préjudice réparable au seul intérêt négatif en cas de faute commise dans les négociations, le principe est également bien connu en raison de l’exigence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice réparable.
Si la faute dans les négociations n’avait pas été commise, rien ne permet en effet d’affirmer que le contrat aurait pour autant été conclu.
L’article 1112-2 décline également le principe général de l’article 1382 (futur article 1240) à l’hypothèse d’une divulgation sans autorisation d’une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations.
La seule difficulté relative à l’application de ce texte réside dans la détermination du caractère confidentiel d’une information.
Les parties auront-elles tout pouvoir pour déterminer ce qui relève de la sphère de confidentialité par une mention expresse, ou le juge pourra-t-il considérer, a posteriori, qu’une information divulguée était anodine malgré l’interdiction posée par la partie à la négociation ?
La première analyse conduira sans doute à voir prospérer les mentions systématiques du caractère confidentiel de tous les documents échangés.
Il n’y a aucune raison de limiter le domaine de l’obligation de confidentialité aux seuls contractants potentiels. Tous les acteurs de la négociation, et bien entendu les conseils, devraient également y être soumis. Rien de bouleversant pour autant, puisque les conseils professionnels des parties sont déjà déontologiquement soumis à une exigence de confidentialité.
Le devoir d’information précontractuelle : principe. – L’article 1112-1 introduit au sein du Code civil un devoir d’information pesant sur les parties à la négociation.
Cette innovation trouve son inspiration tout à la fois dans la jurisprudence et dans différents droits spéciaux, principalement le droit de la consommation.
Ce devoir conserve sa nature de conséquence prétorienne de la bonne foi, mais le législateur a souhaité la consacrer expressément en lui conférant son autonomie.
L’attractivité du droit de la consommation se fait ainsi sentir à un double niveau, non seulement par la reprise en droit commun d’un devoir familier dans ce droit spécial, mais encore par la diffusion de l’idée que le « sachant » est dans une position de force par rapport à l’ignorant, le droit objectif devant s’efforcer de gommer ce déséquilibre.
L’apport de ces dispositions n’est pas que théorique.
La consécration d’une obligation d’information précontractuelle doit conduire les parties à davantage de transparence, afin que leur accord repose sur de solides fondations.
Le devoir d’information précontractuelle : preuve. – L’efficacité du devoir d’information est dans la dépendance de la preuve de son existence et de son exécution par la partie qui en est « débitrice« .
À ce titre, l’article 1112-1 se démarque de la version antérieure prévue par le projet d’ordonnance, puisqu’un nouvel alinéa 4 précise qu' »Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie« .
Cet ajout, souhaité par les praticiens, ne serait qu’une reprise de la solution prétorienne.
Il reste que cette prétendue consécration légale est plutôt mal venue.
En affirmant que le demandeur doit prouver l’existence d’un devoir d’information à son profit, l’exigence de transparence s’en trouve fragilisée.
S’il est d’évidence que l’obligation contractuelle doit être prouvée pour en réclamer l’exécution ou se plaindre de sa méconnaissance, il est douteux que l’on puisse raisonner sur le même mode pour un devoir légal.
Cet alinéa, inutile, semble ainsi rendre le devoir d’information conditionnel.
Il apparaît à la lecture de l’alinéa 4 qu’il n’existe pas systématiquement – mais seulement dans certaines circonstances qu’il faut établir – et perd sa généralité.
Les précisions relatives au domaine du devoir d’information étaient bien suffisantes.
Le devoir d’information précontractuelle : domaine. – La délimitation du domaine est évidemment le point sensible.
Trop restreint, le devoir d’information ne contraint pas à une plus grande transparence.
Trop étendu, il déresponsabilise les parties qui doivent conserver un esprit critique et chercher à s’informer par leurs propres moyens.
L’ordonnance reprend les conditions du caractère déterminant de l’information pour le consentement et de l’ignorance légitime de celle-ci par le « créancier » et procède à deux ajouts :
– elle définit à l’alinéa 3 le caractère déterminant par le « lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties » ; ce caractère dépendra donc de ce que les parties ont elles-mêmes fait entrer dans le champ contractuel ;
– elle précise néanmoins que « ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation » (C. civ., art. 1112-1, al. 2).
Précisons enfin que le domaine du devoir d’information est d’ordre public puisque « Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir » (C. civ., art. 1112-1, al. 5). Impossible, donc, d’insérer une clause limitative ou élusive de responsabilité en cas de manquement à cette exigence de transparence.
Le devoir d’information précontractuelle : sanction. – Sur le principe, les sanctions prévues en cas de manquement sont la mise en jeu de la responsabilité et éventuellement la nullité du contrat si le défaut d’information a été à l’origine d’un vice du consentement.
2. L’échange des consentements
L’offre. – L’offre est définie par l’ordonnance.
Elle consiste en une manifestation de volonté, expresse ou tacite (C. civ., art. 1113), faite à une personne déterminée ou indéterminée, dont il est désormais précisé qu’elle « exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation » (C. civ., art. 1114).
Le caractère ferme de l’offre, classiquement enseigné, est donc dorénavant consacré plus explicitement.
Une fois l’offre émise, les difficultés liées à son régime tiennent essentiellement à la
détermination de ses effets, ce qui suscite en général trois interrogations.
D’abord, à partir de quel moment l’offrant est-il lié ?
La réponse n’est pas évidente puisque l’offre peut être « rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire » (C. civ., art. 1115).
La disparition d’une partie de l’expression parvenue « à la connaissance » laisse entendre qu’il suffit que l’offre ait été délivrée au domicile du destinataire ou à son établissement.
Ensuite, le décès du pollicitant emporte-t-il caducité de l’offre ?
L’ordonnance l’affirme désormais à l’article 1117, alinéa 2, coupant court à d’irritantes hésitations jurisprudentielles.
Rien n’interdit cependant de prévoir expressément le sort de l’offre en cas de décès, l’article 1117 n’étant pas d’ordre public.
Enfin, à quel moment l’offre cesse-t-elle d’être efficace ?
C’est la question la plus délicate, car l’effet de l’offre n’est pas soumis à un, mais bien à deux délais différents.
Il convient en effet de distinguer le moment à partir duquel l’offre peut être rétractée (C. civ., art. 1116) de celui à partir duquel elle sera caduque (C. civ., art. 1117), le premier étant par hypothèse plus bref que le second. Avant l’expiration du premier délai, l’offre ne peut pas être licitement rétractée.
Si l’offrant manifeste malgré tout sa volonté de ne pas être lié par le contrat, il fait obstacle à la formation du contrat en cas d’acceptation postérieure, mais engage sa responsabilité.
Après expiration de ce premier délai, il peut rétracter son offre licitement mais, s’il ne le fait pas, il sera lié en cas d’acceptation.
Une fois le second délai écoulé, l’offre est caduque, si bien qu’elle ne produit plus aucun effet, l’acceptation tardive ne pouvant ainsi conduire à la formation du contrat.
L’acceptation. – L’acceptation soulève essentiellement des difficultés relatives à son contenu, qui doit épouser en tout point celui de l’offre pour que le contrat soit formé.
À défaut, l’acceptation dégénère en contre-offre, qui appelle à son tour une acceptation.
Il faut donc en déduire que, plus les termes de l’offre seront précis et plus l’accord de volontés sera difficile à sceller puisque l’acceptation devra porter sur tous les aspects.
Pour favoriser la conclusion d’un contrat, il vaudra donc mieux parfois s’en tenir aux seuls éléments essentiels dans l’offre, la détermination des éléments accessoires étant renvoyée à la phase d’exécution.
La détermination du contenu du contrat conclu est rendue plus délicate en présence de conditions générales.
L’ordonnance règle cette hypothèse avec davantage de précision que le projet.
D’abord, ces éventuelles conditions générales doivent non seulement avoir été acceptées, mais encore doivent-elles avoir été portées à la connaissance de l’autre partie.
Le notaire prendra donc le soin de les annexer à l’acte pour attester à la fois de l’information et du consentement qui y est relatif.
Ensuite, les conditions générales de chacune des parties, pour pouvoir être invoquées efficacement, ne doivent pas être incompatibles.
Enfin, l’ordonnance introduit une hiérarchie entre les conditions particulières et les conditions générales, les premières primant les secondes.