Les modifications du régime des conditions suspensives et résolutoires par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
La réglementation des conditions n’est pas bouleversée par la réforme du droit des obligations.
S’agissant de la notion de condition, on regrettera qu’elle soit toujours considérée comme une « modalité de l’obligation« . Ce référentiel d’analyse est erroné.
D’une part, parce que les conditions ne concernent en pratique que les obligations contractuelles, et non les obligations extracontractuelles. La place des conditions dans le « régime général des obligations » est donc incongrue.
D’autre part, parce qu’une condition n’affecte pas véritablement l’obligation elle-même, mais l’effet créateur, modificatif, translatif ou extinctif du contrat, pour le suspendre ou le résoudre.
Peu importe d’ailleurs que ces effets portent sur des obligations, ou non. On peut ainsi parfaitement soumettre le contrat créant une servitude à une condition suspensive ; c’est alors la création de la servitude qui est suspendue.
D’un point de vue pratique, la section consacrée à l’obligation conditionnelle apporte quelques modifications à son régime.
Il convient de remarquer que le traitement des conditions potestatives n’a pas vocation à changer sous l’empire des nouveaux textes. Le législateur a entériné le basculement du contentieux de la condition potestative de la nullité vers le « réputé accomplie« . En effet, une condition n’est prohibée que lorsqu’elle dépend de la « seule volonté » du débiteur, aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil.
Il s’agit donc d’une hypothèse d’école, qui se réduit aux conditions « si je veux« . Dès lors que l’évènement dépend un tant soit peu du hasard, la condition est valable. S’il s’avère que ce n’est pas une action extérieure au débiteur qui a provoqué la défaillance, ils réputeront la condition accomplie, sur le fondement du nouvel article 1304-3, afin de donner effet au contrat dont le débiteur souhaitait s’évader.
Au-delà, trois modifications doivent être mises en évidence.
La première modification prend la forme d’une suppression. La substance de l’article 1176 du Code civil actuel n’a pas été reprise dans l’ordonnance.
Cet article précisait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé. S’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas« .
Cette disposition a été jugée inutile, comme énonçant une « vérité d’évidence« . Il n’en reste pas moins que le contentieux relatif au délai d’accomplissement de la condition n’était pas inexistant.
Surtout, en l’absence de toute référence textuelle, il est probable qu’à défaut de précision relative à la durée de l’accomplissement de l’événement dans le contrat, les juges s’engageront dans la voie de la recherche de la volonté commune des parties.
Pour éviter l’aléa consubstantiel à cette recherche, il est donc nécessaire de prévoir un délai précis d’accomplissement.
Par ailleurs, même si, malheureusement, le législateur n’a pas cru bon de le préciser, on rappellera que la défaillance de la condition suspensive emporte la caducité (et non la nullité) du contrat, dès lors au moins qu’elle affecte tous ses effets.
La deuxième modification concerne la renonciation à la condition.
L’article 1304-4 issu de l’ordonnance énonce qu' »une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie« . L’intérêt de cette disposition n’est pas d’autoriser le bénéficiaire exclusif de la condition à renoncer à celle-ci pendente conditione.
Personne n’avait jamais douté de l’existence de cette faculté. Le rapport de présentation de l’ordonnance espère ainsi que cet article mettra fin à la jurisprudence qui était, en la matière, plus que confuse. Il n’est toutefois pas certain que cet article suffise.
En effet, la Cour de cassation énonçait régulièrement que seul le bénéficiaire exclusif de la condition pouvait se prévaloir de sa défaillance, sans s’apercevoir que c’était, en contrepoint, autoriser le bénéficiaire en question à renoncer à la défaillance.
En outre, on notera que, dans la logique du législateur, les règles du droit commun des obligations issues de l’ordonnance du 10 février 2016 sont supplétives de volonté. Par conséquent, rien n’interdit aux parties d’autoriser l’une d’entre elles à renoncer à la condition, non seulement pendente conditione, mais également après sa défaillance.
Enfin, la rétroactivité de principe de la condition suspensive a été supprimée.
En vertu de l’article 1304-6, l’obligation conditionnelle ne devient pure et simple qu’au moment de l’accomplissement de la condition suspensive. Seule une clause contraire pourra permettre à la condition suspensive accomplie d’avoir un effet rétroactif.
Le Code civil semble toutefois brider la volonté des parties en ne permettant pas que la condition rétroagisse à une date autre que celle de la conclusion du contrat.
L’article 1304-6, alinéa 2, précise alors que cette rétroactivité n’affecte pas la charge des risques, qui pèse toujours sur le « débiteur« , c’est-à-dire sur le vendeur.
Même si les conditions résolutoires sont rares, on regrettera que le législateur n’ait pas pris la peine de reproduire cette exception dans l’article 1304-7. Lorsqu’une condition résolutoire affecte un contrat ayant pour objet une chose, la répartition des risques, en l’absence de précision dans l’acte, est incertaine.