ETUDE DE M.M. COUTANT et SALVADOR

Le débiteur de la remise en état d’un site sur lequel une installation classée a été exploitée est aujourd’hui clairement identifié aux articles L. 512-17 et R. 512-74 III du Code de l’environnement.

Il s’agit de l’exploitant de l’installation.

Ce principe était d’ailleurs fermement établi par la jurisprudence.

L’exploitant cessant définitivement son activité doit placer le site de l’installation dans un état tel qu’il en puisse porter atteinte aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement, en permettant un usage futur du site tel que déterminé selon les dispositions des articles R. 512-75 et R. 512-76.

Autorité de police spéciale en matière d’installation classées, le préfet peut à ce titre mettre en œuvre les sanctions prévues à l’article L. 514-1 du Code de l’environnement à l’effet de le contraindre à cette remise en état.

Il est néanmoins fréquent, à l’occasion d’une vente de l’assiette foncière polluée, que l’acquéreur décide d’en supporter la charge.

Les incertitudes sur la validité de la clause dite « de transfert de risques » sont alors nourries par la confrontation de la règle de police et de la règle contractuelle, qui semble se réduire à une logique d’effacement de l’une au profit de l’autre.

Le principe de l’inopposabilité à l’administration.

Selon une jurisprudence constante, la clause de transfert de risques est inopposable à l’administration, dont le débiteur exclusif reste l’ancien exploitant.

La portée de l’inopposabilité.

Dans les relations inter partes, la question se pose de savoir si un tel transfert produit ses effets.

Plus précisément, l’obligation de remise en état à la charge de l’exploitant est-elle transmissible à son ayant-droit contractuel ?

Cette question a été récemment soumise à la Cour de cassation qui a répondu par la négative en considérant que l’obligation légale de remise en état, sanctionnée pénalement, est intransmissible au cocontractant (Cass. 3ème civ. 16 mars 2005).

Les fais de l’affaire méritent d’être rappelés.

En l’espèce, l’acte de vente d’un terrain ayant hébergé une installation classée contenait une clause stipulant que l’acquéreur prenait le bien dans son état actuel, en renonçant à exercer tout recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment en raison du mauvais état du sous-sol.

Dix ans après la vente, l’acquéreur non exploitant d’une installation classée réclame à son vendeur le remboursement des frais exposés à l’occasion d’une étude sur l’état de la nappe phréatique imposée par arrêté préfectoral.

La Cour d’appel de Versailles lui donne raison, sur le terrain de la responsabilité délictuelle du vendeur (CA Versailles 27 juin 2003).

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en retenant que l’acquéreur « se prévalait d’une obligation de police administrative qui imposait, nonobstant tout rapport de droit privé, une obligation de remise en état pesant sur le dernier exploitant d’une installation classée sous peine de sanction pénales […] et qu’en conséquence l’ancien exploitant avait l’obligation de procéder à cette remise en état et de prendre toutes mesures utiles en matière de dépollution des sols, sans que puissent être invoquées les dispositions contractuelle de la vente […] ces dispositions demeurant étrangères aux prescriptions de l’autorité administrative, pénalement sanctionnées, en matière d’installations classées […] le manquement invoqué revêtait le caractère d’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil« .

Elle s’aligne à cette occasion sur la position du Conseil d’Etat en confirmant l’inopposabilité à l’administration de la clause de transfert de risques pour exonérer l’ancien exploitant de son obligation légale de remise en état.

Le propriétaire du site ne peut donc être inquiété à ce titre.

Mais elle semble étendre aux rapports de droit privé l’inopposabilité du transfert de risques, en substituant à la règle de droit privé la loi de police administrative.

Pour autant, l’inopposabilité de la règle contractuelle à l’égard de l’administration ne doit pas interagir dans les rapports entre les parties au contrat.

En effet, la clause visant uniquement l’état du bien, en présence d’un vendeur ayant la qualité d’exploitant, présente l’inconvénient de ne pas transférer la charge financière de la réhabilitation à l’acquéreur.

Cette charge financière est strictement attachée à l’obligation personnelle de remise en état pesant sur le vendeur et, partant, ne constitue pas un vice caché.

Traitée spécifiquement, la contribution au passif environnemental doit pouvoir être transférée sur la tête du cocontractant.

Même si cette décision projette, en l’état actuel, une ombre sur la validité contractuelle des clauses de transfert de risques au profit de l’ancien exploitant, elle ne semble pas interdire le recours à des clauses de substitution de responsabilité.

A supposer admis le transfert de risques inter partes, reste entière la question de la contre-garantie de l’engagement de l’acquéreur, dès lors que le vendeur n’est pas déchargé de son obligation de remise en état à l’égard de l’administration.

Source : AJDI, 4/08, page 273