Le vocabulaire fiscal est éminemment trompeur, et il ne faut guère accorder de crédit aux dénominations utilisées par le législateur lui-même pour désigner les impositions et définir le champ des opérations imposables. Tel est l’enseignement que l’on peut tirer de l’arrêt du Conseil d’Etat du 10 mars 1999, SA Gan-Vie, relativement à la définition des constructions soumises à la redevance pour la création de locaux à usage de bureaux et de locaux de recherche en région Ile-de-France. Selon le Conseil d’Etat, il y a en effet construction de bureaux, imposable à la redevance, alors même que l’immeuble reconstruit était déjà affecté à usage de bureau antérieurement aux travaux.
La loi du 2 août 1960, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L.520-1 et suivants du Code de l’Urbanisme, a institué, dans les limites de la région Ile de France, une redevance à l’occasion de la construction de locaux à usage de bureaux et de locaux de recherche, ainsi que de leurs annexes. En dépit de sa dénomination, cette redevance présente le caractère d’une taxe (CE Sect. 3 novembre 1967), dont la délivrance du permis de construire est le fait générateur, et qui est due par la personne qui est propriétaire des locaux à la date de l’émission de l’avis de mise en recouvrement (art. L. 520-2 du Code de l’Urbanisme).
La question soulevée par l’arrêt du Conseil d’Etat du 10 mars 1999, SA Gan-Vie, se rapporte au bien-fondé de l’application de cette taxe, lorsqu’un permis de construire prévoit qu’un immeuble à usage de bureau, et dont cette affectation est maintenue, fait l’objet d’une reconstruction à l’intérieur des façades existantes conservées, sans modification de la surface des bureaux.
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La question essentielle soulevée dans cette affaire est celle de la définition du champ d’application de la redevance. La société alléguait que l’opération de reconstruction en cause n’entraînait aucune création de locaux à usage de bureaux, ni aucune augmentation de la surface affectée à usage de bureau, puisque l’immeuble avait déjà cette affectation. Les arguments avancés par la société requérante ne manquaient pas de pertinence. La redevance en cause a été instituée par la loi n° 60-790 du 2 août 1960 et elle tendait, selon son intitulé même, à limiter l’extension des locaux à usage de bureaux et à usage industriel dans la région parisienne. Quant à la loi n° 82-1020 du 3 décembre 1982, qui réforme profondément le régime de la redevance en exonérant désormais les locaux à usage industriel, elle est intitulée « loi portant réforme de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux ». Des intitulés mêmes de la loi, il résulte qu’elle ne devrait pas s’appliquer à des reconstructions qui n’entraînent aucune création de locaux à usage de bureau, ni aucune superficie supplémentaire à usage de bureaux. On observera toutefois que le texte même de la loi et sa codification dans le Code de l’Urbanisme se réfèrent non pas à la création de locaux à usage de bureaux, mais à la construction de locaux destinés à cet usage.
Le Conseil d’Etat a écarté ces arguments et il a jugé, conformément aux conclusions de son commissaire du gouvernement, que la portée de la loi ne peut être restreinte par les intitulés qui définissent son objet.
Trois autres arguments, développés par le commissaire du gouvernement, ont convaincu le juge de cassation de reconnaître la portée la plus large possible à la notion de construction de bureaux passible de la redevance.
– En premier lieu, les seules reconstructions que le législateur ait exonéré de la redevance sont celles de locaux détruits par sinistre ou expropriés pour cause d’utilité publique, en application de l’article L.520-6 du Code de l’Urbanisme, à l’exception, par conséquent, de toutes les autres opérations de reconstruction.
– En second lieu, une reconstruction comme celle effectuée au cas particulier est assimilée à une construction pour définir le champ d’application du permis de construire (CE 20 juin 1969) et pour l’assujettissement au versement pour dépassement du plafond légal de densité (CE 1er juin 1988).
– Enfin, le Conseil d’Etat a déjà jugé, pour l’application de la redevance à des locaux industriels qui entraient autrefois dans le champ des opérations imposables, que le législateur a entendu assujettir à la redevance la construction de locaux à usage industriel, même lorsque cette construction a pou