Le statut des immeubles à usage de bureaux des personnes publiques après l’ordonnance du 19 août 2004
Afin de permettre à l’Etat de valoriser son patrimoine immobilier, l’ordonnance du 19 août 2004 a posé le principe que les immeubles de bureaux lui appartenant relèvent du domaine privé.
Cette ordonnance laisse en suspens un certain nombre de questions, au premier rang desquels la définition des immeubles concernés.
L’article 1er de l’ordonnance a ajouté au second alinéa de l’article L. 2 du Code du domaine de l’Etat, une phrase ainsi rédigée : « Notamment les biens immobiliers à usage de bureaux, propriété de l’Etat ou de ses établissements publics, à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public, font partie du domaine privé de ces personnes publiques« .
Par conséquence, pour qu’un bien immobilier fasse partie du domaine privé en application de cette disposition, il faut qu’il remplisse trois conditions.
La première est qu’il doit s’agir d’un bien immobilier à usage de bureaux.
Comme seconde condition, il faut que ce bien ne forme pas « un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public« .
A s’en tenir à sa lettre, cette seconde condition paraît signifier que toute partie à usage de bureaux d’un immeuble qui comprend d’autres parties qui, du fait de leur affectation à d’ « autres usages« , appartiennent au domaine public, appartient elle-même de plein droit à ce domaine et, appartenant de plein droit à ce domaine, est inaliénable et, donc, ne peut pas faire l’objet d’un déclassement en vue de sa cession.
Du fait de l’incompatibilité entre la domanialité publique et la copropriété, cette solution se comprendrait très bien si l’aliénation de cette partie à usage de bureaux d’un immeuble dont d’autres parties remplissent les conditions pour appartenir au domaine public impliquait nécessairement la mise de l’immeuble en copropriété.
Mais, on sait que tel n’est pas le cas et qu’il existe un moyen très utilisé en pratique pour éviter la copropriété dans une hypothèse de ce type, qui est de procéder à une division en volume.
Les auteurs de l’ordonnance ont-ils entendu interdire cette manière de procéder ?
Cela n’est pas exclu puisque toute division en volume implique la constitution de servitudes conventionnelles de droit privé, constitution dont beaucoup considèrent qu’elle n’est pas possible sur le domaine public.
Mais, cela n’est pas non plus certain dans la mesure où il est possible de retenir une interprétation moins littérale de cette deuxième condition et de décider que, par « biens immobiliers à usage de bureaux« , les auteurs de l’ordonnance ont entendu désigner les biens immobiliers effectivement utilisés à cet usage par l’administration, auquel cas, dès lors que ces biens cesseraient d’être utilisés à usage de bureaux par l’Administration, il serait possible de les déclasser en vue de leur cession.
Mais, il faudra attendre que le juge se prononce pour savoir ce qu’il en est.
La troisième condition, enfin, est que le bien immobilier à usage de bureaux soit propriété de l’Etat ou de l’un de ses établissements publics.
Le plus souvent cette troisième condition ne soulèvera aucune difficulté.
Toutefois, il en sera différemment dans deux cas :
– Le premier concerne les biens immobiliers à usage de bureaux des établissements publics.
En effet, pour savoir dans ce cas, si cette troisième condition est ou non remplie, il faut savoir si l’établissement public propriétaire est un établissement public de l’Etat ou, au contraire, un établissement public local.
Or, dans le silence des textes, la détermination du caractère national ou local d’un établissement public peut être difficile, notamment lorsqu’il s’agit d’un établissement public sans rattachement, ainsi que cela est le cas des associations syndicales autorisées (CE 25 octobre 2004, M. Asaro).
– Le deuxième cas dans lequel cette troisième condition pose un problème est celui des personnes publiques spécialisées autres que les établissements publics dont on peut considérer qu’elles sont rattachées à l’Etat (cas de la Banque de France et de certains Groupements d’Intérêt Public).
S’agissant des immeubles à usage de bureaux qui sont effectivement utilisés par des services publics – et, donc, qui leur sont affectés au sens que cette expression a dans le cadre de leur domanialité publique – leur soumission au droit commun des biens trouve une limite supplémentaire dans le nouvel article L. 54 du Code du domaine de l’Etat qui est ainsi rédigé :
« Les immeubles à usage de bureaux mentionnés au second alinéa de l’article L. 2 peuvent être aliénés alors qu’ils continuent à être utilisés par les services de l’Etat ou d’un établissement public.
Dans ce cas, l’acte d’aliénation comporte des clauses permettant de préserver la continuité du service public.
Lorsqu’un établissement public, autre qu’un établissement à caractère industriel et commercial, envisage de procéder à la cession d’un tel immeuble qui continue à être utilisé par ses services, il doit recueillir l’accord préalable du ministre chargé du budget et du ministre de tutelle ».
Par cette disposition, les auteurs de l’ordonnance ont donc subordonné la possibilité pour l’Etat et ses établissements de vendre leurs immeubles à usage de bureaux en continuant à les utiliser à deux conditions :
– une condition générale : l’obligation d’insérer dans l’acte d’aliénation des clauses permettant de préserver la continuité du service public ;
– une condition spécifique qui ne concerne que les établissements publics autres que les EPCI et qui est constitué par l’obligation pour ces établissements, lorsqu’ils envisagent de procéder à la cession d’un immeuble à usage de bureaux qui continue à être utilisé par leurs services, de recueillir l’accord préalable du ministre chargé du budget et du ministre de tutelle.