Il s’agit de l’une des premières décisions judiciaires relatives à l’application, à une association, des actuelles dispositions de l’article 757 du CGI. Ce texte, issu de l’article 15-II de la loi du 30 décembre 1991, venu compléter l’article 6 de la loi du 18 mai 1850, dispose que les « actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, soit sujets au droit de donation. La même règle s’applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l’administration fiscale ».
Au cours d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a invité, puis mis en demeure, l’association Les Témoins de Jéhovah de déclarer des sommes comptabilisées sous la rubrique « offrandes » au titre des années 1993 à 1996. En l’absence de déclaration, l’administration fiscale, recourant à la procédure de taxation d’office, a notifié à l’association un redressement à hauteur de 60 % desdites sommes, ainsi que des pénalités de retard à hauteur de 80 %. L’association a contesté cette taxation, mais la direction des services fiscaux des Hauts de Seine, compétente ratione loci, a rejeté cette réclamation.
L’association a alors assigné le directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Sud aux fins de voir juger, à titre principal, qu’il n’y avait pas lieu à taxation sur le fondement de l’article 757 alinéa 2 du Code Général des Impôts.
Le tribunal a considéré qu' »en présentant sa comptabilité à l’occasion de la vérification dont elle a fait l’objet, l’association a révélé à l’administration fiscale les dons manuels qu’elle a reçus ». En validant la thèse de l’administration, les juges ont estimé que l’association aurait dû déclarer, dans le délai d’un mois, les dons manuels reçus et acquitter les droits de mutation correspondants, soit 60 %.
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Aux termes de cette jurisprudence, il suffit donc que l’administration fiscale constate, lors d’un contrôle de comptabilité, l’existence de « dons manuels » pour considérer qu’il y a eu « révélation » au sens de l’article 757 du CGI. A défaut pour l’association contrôlée de déclarer, dans le délai d’un mois (article 638 A du CGI) ces « dons manuels », elle s’expose au paiement, outre des droits de mutation à hauteur de 60 % , de pénalités de retard à hauteur de 80 %.
Il est peu de souligner l’ampleur des conséquences potentielles de cette décision : celle-ci constitue une réelle menace pour l’ensemble des associations simplement déclarées. Traditionnellement, toute association déclarée, même non reconnue d’utilité publique, et quel que soit son objet, peut recevoir des dons manuels. Cette possibilité a été expressément introduite à l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 par la loi sur le mécénat : « toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, recevoir des dons manuels » (Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987, article 16-I).
Or, désormais, en cas de vérification de comptabilité, ces associations s’exposent à être systématiquement redressées sur la base de « dons manuels » perçus, ressources parfaitement légales, figurant dans leur comptabilité. La simple constatation par l’administration de ces dons manuels valant « révélation », il n’existe aucun moyen d’échapper à cette taxation à hauteur de 60 %, hormis la dissimulation pure et simple. Les associations sont d’autant plus démunies que, s’agissant de droits d’enregistrement, le délai de reprise est de dix ans. Il suffira donc à l’administration fiscale de prévoir de contrôler les associations au moins une fois tous les dix ans pour que celles-ci soient taxées sur l’ensemble des dons manuels perçus au cours de cette période.
Il semble pourtant que le jugement rendu par le TGI de NANTERRE soit contraire aux prévisions du législateur qui, à travers la nouvelle rédaction de l’article 757, n’avait nullement entendu pénaliser les associations.