Cession à titre onéreux d’une entreprise : un nouveau régime temporaire d’exonération.
La loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement, introduit, par ses articles 13, 14 et 16, un nouveau régime d’exonération des plus-values de cession et du droit de mutation dû à l’Etat, au moins, quand l’objet de la mutation est constitué par une entreprise ou par des éléments de l’actif d’une entreprise si ceux-ci constituent une branche complète d’activité et si l’entreprise cédante ou cédée ou la société cédante est une Petite et Moyenne Entreprise (PME).
Mais le critère d’exonération, s’il correspond encore à des PME, n’est plus le montant du chiffre d’affaires réalisé : c’est la valeur, qui ne doit pas excéder 300 000 €, des éléments servant d’assiette aux droits d’enregistrement.
Ce régime nouveau, codifié aux nouveaux articles 238 quaterdecies, 724 bis et 1635 septies du Code Général des Impôts (CGI) a un caractère temporaire : il s’applique aux seules cessions intervenues entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2005 (art. 238 quaterdecies III du CGI).
Nature des nouvelles exonérations
Ce sont :
. l’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des plus-values professionnelles réalisées lors de la cession de biens constituant une branche complète d’activité ayant un objet commercial, industriel, artisanal ou libéral (art. 13) ;
. l’exonération du droit de mutation à titre onéreux dû à l’Etat à raison de la cession de ces mêmes biens, ce droit étant fixé au taux de 0 % ; l’article 16 de la loi permet aux départements et aux communes d’exonérer ces mêmes cessions des taxes additionnelles qui leur reviennent (art. 14 et 16).
Champ d’application des nouvelles exonérations
Entreprises concernées :
. Entreprises individuelles et sociétés de personnes relevant du régime de l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP).
. Sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés, dont le capital, entièrement libéré, est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par des sociétés dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques.
. Organismes sans but lucratif réalisant des opérations de nature lucrative et assujetties à l’impôt sur les sociétés selon le régime de droit commun.
. Collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale qui, ayant acquis un fonds de commerce ou d’artisanat (boulangerie, épicerie, café-journaux, …) afin de maintenir une activité locale, procèdent à leur cession.
Secteurs d’activité :
L’entreprise doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale. Les exploitations agricoles relèvent exclusivement du régime de l’article 151 septies du CGI.
Biens dont la cession se trouve exonérée d’imposition :
Ce sont les éléments d’une entreprise constituant une branche complète d’activité, dès lors que leur valeur servant d’assiette aux droits de mutation à titre onéreux (CGI art. 719, 720 ou 724) n’excède pas 300 000 €. Cette valeur correspondrait, en principe, au prix de cession convenu entre les parties, lesquelles pourraient ainsi, l’une et l’autre, se partager les avantages fiscaux.
La branche complète d’activité se définit comme étant l’ensemble des éléments d’actif et de passif d’une entreprise qui constituent, du point de vue de l’organisation, une exploitation autonome, c’est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens. Un fonds de commerce ou une entreprise libérale dont sont cédés ensemble la clientèle ou le droit à la clientèle, le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, le matériel et les installations, répondrait à cette définition.
Sont exclus de ce régime particulier d’exonération les cessions de :
. biens immobiliers, bâtis ou non bâtis, même compris dans la branche complète d’activité (CGI art. 238 quaterdecies II) ;
. éléments d’actif isolés : immeuble, droit au bail, matériel, installations, marque …
. stocks.
Opérations ouvrant droit à ces exonérations :
. essentiellement les cessions à titre onéreux relevant des articles 719, 720 ou 724 du CGI ; également les échanges ;
. sans doute les apports en société, dès lors qu’ils sont assimilés à une cession à titre onéreux.
Conditions d’application de ces régimes d’exonération
Peu importe la personne de l’acquéreur : entrepreneur individuel, société de personnes ou société de capitaux, et le régime d’imposition de son résultat.
– La cession doit être intervenue depuis le 16 juin 2004 ou intervenir au plus tard le 31 décembre 2005.
– La valeur de cession des éléments constituant la branche d’activité cédée ne doit pas excéder 300 000 €
Pour bénéficier de l’exonération des droits de mutation à titre onéreux, l’acquéreur doit s’engager, lors de l’acquisition, à maintenir la même activité – le maintien du même lieu d’exploitation n’est pas exigé – pendant une durée minimale de cinq ans à compter de la date de l’acquisition.
En cas de non-respect de cet engagement par changement ou cessation d’activité (hormis pour cause de décès), l’acquéreur est tenu d’acquitter, à première réquisition, le complément d’imposition (de droits de mutation) dont il a été dispensé (CGI art. 724 bis, alinéa 2, nouveau).
L’intérêt de retard au taux de 0,75 % par mois sera exigible, sous réserve d’une remise gracieuse, totale ou partielle en cas de circonstances particulières que permet l’article L. 247, alinéa 5 du Livre des Procédures Fiscales (LPF).
Une telle condition d’engagement du maintien de l’activité pendant une période de cinq années n’est pas formulée par l’article 13 de la loi du 9 août 2004 (CGI art. 238 quaterdecies du CGI nouveau) à l’égard du vendeur pour le bénéfice de l’exonération de la plus-value.
La défaillance de l’acquéreur quant à son engagement paraît sans effet à l’égard du cédant dont la plus-value échappe à toute imposition.
– Peu importent le montant du chiffre d’affaires réalisé par le vendeur et la date depuis laquelle – plus ou moins de 5 ans – il exerce son activité professionnelle : à cet égard, la condition d’une durée antérieure d’activité, exigée pour l’application de l’article 151 septies, alinéa 1er du CGI, n’est pas requise.
Mesures d’exonération
Pour le cédant, les plus-values nettes à court terme ou à long terme acquises par l’ensemble des éléments cédés et réalisées du fait de la cession de la branche complète d’activité, notamment l’entreprise cédée, sont exonérées de toute imposition : impôt sur le revenu, Contribution Sociale Généralisée (CSG), Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS), prélèvements sociaux, impôt sur les sociétés et impôt complémentaire à l’impôt sur les sociétés. Cette exonération des plus-values implique que toutes les conditions exposées ci-dessus soient satisfaites.
L’acquéreur, dès lors que les biens acquis constituant la branche complète d’activité répondent à ces mêmes conditions et ouvrent droit à l’exonération de la plus-value de cession pour le cédant, est exonéré :
. du droit d’Etat de 3,80 % dû au titre de la mutation à titre onéreux sur le fondement des articles 719, 720 ou 724 du CGI, en ce que le taux de ce droit est fixé à 0 % (CGI art. 724 bis nouveau du CGI – art. 13 de la loi du 9 août 2004) ;
. sur décision des collectivités territoriales : communes et départements, notifiée aux services fiscaux avant le 30 septembre 2004, des taxes additionnelles de 0,40 %, 1 %, 0,60 % ou 1 %, dont elles seraient bénéficiaires du fait de la cession (CGI art. 1595 bis A et 1635 septies nouveaux du CGI – art. 16-1 de la loi).
Les mutations qui bénéficient, à titre temporaire, de l’exonération des droits de mutation à titre onéreux, réalisées entre le 16 juin 2004 et le 30 septembre 2004, doivent être enregistrées ou déclarées avant le 3 novembre 2004, délai d’exception.
Les cessions qui seront réalisées entre le 1er octobre 2004 et le 31 décembre 2005 devront, conformément au droit commun, être enregistrées ou déclarées dans le mois de la date de l’acte ou de l’entrée en possession à défaut d’acte (CGI art. 635, 638 et 1635 septies II nouveau du CGI).
Portée de cette exonération
– Si une entreprise, entrant par ses caractères dans le domaine d’application du régime temporaire d’exonération, cède successivement des biens constituant deux branches complètes d’activité distinctes, l’une au prix de 250 000 €, l’autre au prix de 330 000 €, la première cession ouvrira droit aux régimes d’exonération de la plus-value nette de cession et de droits de mutation d’Etat; la seconde cession ne donnera lieu à aucun de ces avantages fiscaux.
Il convient donc d’apprécier chaque opération de cession isolément.
– Si une personne cède son entreprise constituant une branche complète et autonome d’activité, comportant un immeuble, pour un prix inférieur à 300 000 € et si le chiffre d’affaires qu’elle réalisait est inférieur aux montants portés dans le tableau ci-après, les plus-values sur les biens cédés, hormis l’immeuble, seront exonérées en totalité par application de l’article 238 quaterdecies du CGI.
La plus-value réalisée sur l’immeuble sera exonérée, en totalité ou en partie selon le chiffre d’affaires réalisé par application de l’article 151 septies du CGI.