En cas de fusion, la société absorbante est responsable des infractions pénales commises par l’absorbée.
Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), une fusion par absorption au sens de la directive sur les fusions de société anonyme entraîne la transmission de l’obligation de payer une amende infligée par une décision définitive après la fusion pour des infractions (en l’espèce au droit du travail) commises avant celle-ci par la société absorbée.
En effet, la fusion par absorption entraîne la disparition de l’absorbée ; or, si l’obligation de payer l’amende n’était pas transmise comme un élément du passif de celle-ci, sa responsabilité pénale serait éteinte, ce qui serait contraire à la nature même d’une fusion par absorption telle que définie par la directive (transfert de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante par suite d’une dissolution sans liquidation).
Cette interprétation de la notion de patrimoine passif est confirmée par l’examen de la finalité de la directive, à savoir la protection des intérêts des associés et des tiers lors de la fusion. Les tiers ne sont pas seulement les créanciers, obligataires ou non, et les porteurs d’autres titres de la société, pour lesquels certaines mesures de protection spécifiques sont prévues.
Il s’agit aussi des entités qui, à la date de la fusion, ne sont pas encore considérées comme des créanciers mais qui peuvent le devenir ultérieurement en raison de situations nées avant cette date. Il en va ainsi d’un Etat membre qui infligerait une amende pour une infraction commise avant la fusion. Si le transfert de responsabilité pénale était écarté, la fusion constituerait un moyen pour une société d’échapper aux conséquences de cette infraction.
Note :
La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé au contraire qu’en application de l’article 121-1 du Code pénal (nul n’est responsable pénalement que de son propre fait) et du principe selon lequel l’absorption fait perdre à la société absorbée son existence juridique, la société qui a absorbé une société poursuivie pour homicide involontaire à la suite d’un accident du travail de l’un de ses employés ne peut pas être déclarée coupable de ce délit (Cass. crim., 14-10-2003).
Cette solution se trouve invalidée par la décision de la CJUE, rendue en matière contraventionnelle mais dont rien ne s’oppose à ce qu’elle s’applique à un délit commis par l’absorbée.
Reste à savoir si la chambre criminelle s’inclinera, sachant que, pour la Cour européenne des droits de l’Homme, la règle de la présomption d’innocence posée à l’article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’Homme s’oppose à ce que les héritiers d’une personne décédée soient pénalement sanctionnés pour des infractions commises avant le décès (CEDH, 29-8-1997). Cette solution, rendue pour une personne physique, n’a toutefois pas été étendue aux personnes morales absorbées par voie de fusion.
En l’espèce, la CJUE s’est prononcée sur l’interprétation de la directive fusion du 9 octobre 1978, en vigueur à la date des faits et remplacée depuis par la directive du 5 avril 2011. La solution reste d’actualité puisque cette dernière directive a repris à l’identique les dispositions de la directive de 1978 sur le transfert de patrimoine de l’absorbée.