CIRCULAIRE DU 23 avril 2002-06-25

Par un important arrêt – M. TERNON – en date du 26 octobre 2001 – l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat a modifié le délai dans lequel l’administration pouvait opérer le retrait d’une décision individuelle explicite, créatrice de droits mais illégale.

En application de cette jurisprudence, l’administration ne peut plus retirer la décision au-delà d’un délai de quatre mois qui suit son intervention explicite.

Cette décision a d’importantes conséquences tant au regard du nombre des actes qu’elle concerne que de nos pratiques.

I – Le principe posé par l’arrêt TERNON

L’arrêt TERNON pose le principe selon lequel « sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors les cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».

a) Les actes concernés sont les décisions individuelles explicites et créatrices de droit, à savoir en ce qui concerne le droit de l’urbanisme :

– permis de construire explicite,
– non-opposition explicite à une déclaration de travaux,
– permis de démolir,
– certificat d’urbanisme,
– déclaration de clôture,
– autorisation d’installation et de travaux divers,
– autorisation d’aménagement du domaine skiable,
– autorisation de mise en exploitation des remontées mécaniques,
– autorisation de lotir,
– création d’unités touristiques nouvelles,
– autorisations de camping et stationnement de caravanes, habitations légères de loisirs,
– certificat de conformité,
– agrément en région d’Ile de France.

b) Exigence de l’illégalité de la décision

La jurisprudence TERNON ne remet pas en cause le principe fondamental selon lequel, s’agissant des décisions créatrices de droits, seuls les actes illégaux peuvent faire l’objet d’un retrait, en dehors du cas où le retrait est demandé par le bénéficiaire.

c) Le délai de retrait

Une décision explicite, créatrice de droits et illégale, ne peut être retirée par l’administration que dans un délai de quatre mois après la prise de décision. Il faut entendre par « prise de décision » la date de signature si l’acte a été pris par une autorité seule et non pas la date de notification de la décision. Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 décembre 1952, Mlle Mattéi – précise en effet « que cet arrêté individuel [de nomination] crée, dès sa signature, des droits au profit de la requérante ».

Si l’acte concerné est une délibération, la date à prendre en compte est la date à laquelle a été prise la délibération et non la date des mesures de publicité.

Ce délai de quatre mois est un délai impératif qui s’impose à l’autorité compétente dans tous les cas, y compris dans l’hypothèse où un recours administratif ou juridictionnel a été déposé.

Il s’agit, comme pour tout délai imparti à l’administration pour agir, d’un délai qui se compte de quantième à quantième. Il n’est pas susceptible d’être prolongé s’il vient à expiration un samedi, dimanche ou jour férié.

Le Conseil d’Etat rompt ainsi avec la jurisprudence antérieure (CE, 3 novembre 1922, Dame Cachet) selon laquelle l’administration pouvait retirer l’acte tant que le délai de recours contentieux ouvert aux tiers n’était pas expiré ainsi que, en cas de contentieux, pendant toute la durée de l’instance tant que le juge ne s’était pas définitivement prononcé. Il rompt également avec la jurisprudence ville de Bagneux (CE Ass. 6 mai 1966) selon laquelle l’administration pouvait retirer d’office à tout moment un acte créateur de droits illégal, notifié au bénéficiaire, en l’absence de publicité à l’égard des tiers et alors même qu’aucun recours n’avait été formé par un tiers.

Désormais, en application de la jurisprudence TERNON, une dissociation totale entre le délai de retrait et le délai de recours contentieux est opérée, pour les décisions explicites.

II – Les conséquences pratiques de l’arrêt TERNON selon les différents types d’actes en ce qui concerne les conditions de retrait

Permis de construire explicite et ensemble des actes explicites énumérés au a) de la présente note : 4 mois à compter de la signature de l’acte même si un recours en annulation ou un recours administratif gracieux ou hiérarchique a été présenté.

Certificats d’urbanisme : l’administration ne peut le retirer que dans les quatre mois à compter de la signature du certificat d’urbanisme. A l’intérieur de ce délai, le refus de permis s’analyse comme un retrait du certificat d’urbanisme.

Au-delà de ce délai, le certificat ne peut plus être retiré. Toutefois, dans le cas où il mentionne des règles illégales, l’administration n’a pas pour autant le droit de délivrer un permis de construire sur le fondement de ces dispositions illégales.

Source : Supplément Le Moniteur, 21 juin 2002 page 390