A la nature d’un montage constitutif d’un abus de droit, la prise de participation par une société française dans le capital d’une société holding établie au Luxembourg et gérée par une banque d’affaires locale, dès lors que cette société est dépourvue de toute substance et que la prise de participation ne relève d’aucune justification économique.
Note de M. Jean-Claude PAROT :
Dans cette affaire, la société Pléiade a détenu, à parts égales avec cinq autres sociétés françaises, 16,66 % du capital d’une holding de droit luxembourgeois, soumise à un régime d’exonération des bénéfices et des plus-values. Cette société avait été constituée en 1969 et liquidée en 1991.
L’Administration, sur le fondement de l’abus de droit (article L. 64 du Livre des procédures fiscales), a réintégré dans les résultats de la société Pléiade les dividendes et le boni de liquidation reçus de sa filiale en quasi-exonération d’impôt en vertu du régime des sociétés mères et filiales (articles 145 et 216 du Code Général des Impôts).
La Cour Administrative de Nancy avait écarté la qualification d’abus de droit, l’Administration n’apportant pas selon elle la preuve de l’existence d’un abus de droit car il n’était pas établi qu’il y ait eu un fonctionnement irrégulier de la société luxembourgeoise.
Pour le Conseil d’Etat, au contraire, la participation dans la société de participation au Luxembourg était « un montage constitutif d’un abus de droit« . Pour cette juridiction, en effet :
– la participation en cause ne relevait « d’aucune justification économique » ;
– la société luxembourgeoise « était dépourvue de toute substance » ;
– le montant de la participation de la société Pléiade lui permettait de bénéficier du régime des sociétés mères tout en échappant, pour les années du litige, à l’article 209 B du Code Général des Impôts.
Cet arrêt du 18 février 2004 pose la question de l’opportunité de la création par les entreprises françaises de structures intermédiaires, lorsque celles-ci sont par vocation dépourvues de toute substance, notamment des sociétés holding sans aucune fonction d’animation, et situées dans des pays où elles sont susceptibles de bénéficier d’importants avantages fiscaux, comme par exemple l’exonération des plus-values de cession de droits sociaux.
Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :
– le premier est que la poursuite d’un but autre que fiscal ne met pas le montage incriminé à l’abri de la qualification d’abus de droit si la structure intermédiaire est « dépourvue de toute substance », celle-ci s’appréciant au regard des conditions de réalisation de son objet social par la société en cause (condition implicite posée par l’arrêt et qui peut constituer une limite de droit et de fait à la qualification d’abus de droit) ;
– le second est que le fait de doter cette structure d’une certaine substance ne protège pas le montage incriminé du risque d’abus de droit s’il ne peut être établi que celui-ci poursuivait un but autre que fiscal et possédait une inconstatable « justification économique« .