La démolition, encore et toujours.
Note de M. Gabriel ROUJOU de BOUBÉE :
Dans la présente affaire, le prévenu était poursuivi pour exécution de travaux non soumis à permis de construire, sans déclaration préalable (édification de deux serres tunnel).
La commune s’était constituée partie civile et avait demandé – à titre de réparation – la remise en état des lieux, c’est-à-dire la démolition des ouvrages ; elle avait obtenu satisfaction devant les premiers juges mais la Cour d’appel avait infirmé, estimant que la remise en état n’était pas nécessaire à la réparation du dommage subi.
La Cour de cassation, dans l’arrêt du 1er septembre 2015, rejette le pourvoi intenté par la commune et donne l’occasion de rappeler certaines règles.
Les mesures prévues par l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme supposent une condamnation ; dans le cadre de l’action publique, le Tribunal dispose à leur égard d’un pouvoir souverain d’appréciation quant à leur opportunité et quant à leur étendue.
Dans le cadre de l’action civile, la jurisprudence considère que la victime, quelle qu’elle soit, peut demander, outre des dommages et intérêts, l’une des mesures de restitution prévues par l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, telles la démolition ou la remise en état des lieux ou encore la mise en conformité ; lorsque tel est le cas, dans le cadre d’une action en réparation, la Cour de cassation avait admis, sur la base du principe de réparation intégrale du préjudice, que la démolition sollicitée ne pouvait être refusée au motif qu’en réalité les travaux litigieux ne portaient pas atteinte à l’environnement.
Solution logique puisque, dans le cadre de l’action civile, il s’agit, non plus de l’intérêt général, mais de l’intérêt privé de la victime qui entend faire cesser pour l’avenir la source de son préjudice.
L’arrêt du 1er septembre 2015 paraît adopter un point de vue différent.
La raison en est, probablement, qu’en l’espèce l’action civile était exercée par la commune, comme elle en a le droit en vertu de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme, et qu’en pareille hypothèse il devient difficile de distinguer entre intérêt général et intérêt privé.
Ceci étant, lorsqu’elles sont demandées par la partie civile, la nature et la fonction de ces mesures ne changent pas et elles ne deviennent pas, à proprement parler, des mesures de réparation ; elles ne compensent pas la production d’un dommage mais sont seulement destinées à faire cesser ce dommage pour l’avenir.
L’on ne saurait donc leur appliquer le principe de la réparation intégrale.