CASS. COM. 9 juillet 2002

Le contrôle prévu par la loi ne met pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

L’arrêt rapporté, rendu par la chambre commerciale après consultation de la 3e chambre civile, répond par la négative à la question de savoir si le prêteur doit vérifier la qualification juridique du contrat de construction d’une maison individuelle pour la réalisation de laquelle l’octroi d’un prêt est sollicité.

L’arrêt est de toute première importance concernant la mise en œuvre du contrat de construction d’une maison individuelle de l’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation et le rôle du prêteur.

En l’espèce, la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt en date du 16 mars 1999 avait retenu la responsabilité du prêteur pour n’avoir pas attiré l’attention de ses clients sur ce que le contrat qui leur était proposé comme un simple contrat de maîtrise d’œuvre était en réalité un contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan.

Pour la cour d’appel, si les obligations imposées au prêteur par l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation sont limitées à une vérification formelle de l’existence, dans un contrat de construction de maison individuelle, des énonciations prescrites par l’article L. 231-2, le prêteur a aussi le devoir de vérifier la nature réelle de la convention sans pouvoir se retrancher derrière la qualification retenue par les parties et, en fait, imposée par le constructeur.

Au visa des articles L. 231-1, L. 231-2 et L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, la cassation est prononcée au motif :

Qu’en statuant ainsi, alors que l’article L. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation ne met pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

En pratique, l’extension du contrôle du prêteur à la vérification de la nature du contrat pour lequel le financement est demandé, est, il faut le reconnaître, anormale.

Ce n’est pas le rôle d’un établissement de crédit qui, même s’il est spécialisé, n’est pas professionnellement un expert juridique alors que la qualification des conventions portant sur la construction de maison individuelle se situe dans un environnement juridique particulièrement flou.

Que la loi ne mette pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier le contrat qui lui et soumis ne fait pas que le prêteur ne doive pas faire état d’une certaine vigilance (CA Paris, 7nov. 2000).

A partir du moment où une vérification de la nature du contrat pour lequel un crédit est demandé n’incombe en rien au prêteur, en pratique compte tenu des différentes possibilités de présentation de l’opération, le candidat à la maison individuelle se trouve dépourvu de protection.

Sur le papier, la protection apportée au maître de l’ouvrage par le contrat de construction d’une maison individuelle est fort grande, tellement d’ailleurs qu’elle est très difficile à respecter.

En pratique, cette protection est et sera fort mal appliquée tant qu’il ne sera pas mis en place un contrôle effectif.

Il est plus que temps – la loi en vigueur remontant à décembre 1990 – de mettre fin à cette lacune.

A cet effet, il convient de rendre obligatoire l’intervention d’un notaire.

Source : Construction-Urbanisme, oct. 2002 page 11