CASS. COM. 8 Avril 2014

Responsabilité civile du gérant d’une société civile professionnelle (SCI).

Note de Mme Annick CAYROL-CUISIN :

Le propriétaire d’un terrain constitue, avec deux autres associés, une société civile dont l’objet est l’acquisition dudit terrain afin d’y faire construire des logements et de les vendre à terme.

Nommé gérant de la société, le propriétaire du terrain reçoit mandat d’acquérir au nom de la société le terrain en cause pour un prix déterminé.

Toutefois, le gérant cède, en qualité de propriétaire, le terrain à un tiers.

L’un des autres associés, considérant que cette cession le prive du prix du transfert à la société du permis de construire qu’il a obtenu et du bénéfice de l’opération envisagée, demande réparation au gérant.

Il lui appartient en conséquence d’établir tant la faute du gérant que son préjudice personnel, ainsi que le lien entre la faute et le préjudice.

L’associé constate que le gérant est investi statutairement des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société en vue de la réalisation de son objet social et qu’il a reçu, pour la réalisation de cet objet, mandat d’acquérir, au nom de la société, le terrain dont il était propriétaire.

Fort de ce constat, il estime que le gérant a vidé la société de tout objet en cédant le terrain à un tiers, ce qui constitue une faute.

La Cour d’appel valide cette argumentation et condamne le gérant à payer une indemnité à l’associé.

La Cour de cassation approuve sa décision.

Le gérant fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir établi de lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué.

Il soutient qu’il appartenait à la Cour de rechercher si la liberté qu’il tenait de son droit de propriété « n’excluait pas l’existence d’un quelconque lien de cause à effet avec le préjudice invoqué« .

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel qui, ayant retenu que la vente du terrain à un tiers, « en tant qu’elle avait eu pour effet de vider de tout objet la société, avait constitué une faute« , en a déduit qu’il en résultait un droit pour l’associé de réclamer réparation du préjudice que cette faute lui a personnellement causé.

Le préjudice propre à l’associé était caractérisé par la disparition de toute possibilité de versement du prix de transfert du bénéfice du permis de construire obtenu par lui ainsi que par la perte de la chance de réaliser des bénéfices sur l’opération de promotion immobilière prévue par l’objet social.

Source : Dict. perm. Dt des aff., bull. 798, page 9