Sort d’une cession Dailly en cas de procédure collective du cédant.
Peuvent être cédées ou nanties par bordereau Dailly les créances liquides et exigibles, même à terme, ainsi que les créances résultant d’un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés (C. mon. fin. art. 313-23, al. 2).
La cession transfère à l’acquéreur la propriété de la créance cédée (art. L 313-24, al. 1), qui prend effet entre les parties et devient opposable à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité de la créance (art. L. 313-27, al. 1).
Il résulte de ces textes, vient de juger la Cour de cassation, que, même si son exigibilité n’est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date.
Un fabricant avait cédé par bordereau Dailly à une banque une créance relative à une commande.
Le débiteur cédé n’avait pas accepté la cession, dont il avait reçu notification, et il avait réglé la facture au fabricant mis entre-temps en redressement judiciaire. La banque cessionnaire avait alors réclamé le paiement de la créance au débiteur cédé.
Pour rejeter cette demande, la Cour d’appel de Bordeaux avait relevé que la créance cédée était née de la fabrication et de la livraison de la commande après le jugement ouvrant le redressement judiciaire du cédant et que ce jugement faisait obstacle aux droits de la banque sur les créances nées de l’exécution du contrat au cours de la période d’observation et exigibles au jugement d’ouverture.
La Cour suprême a cassé cette décision aux motifs que la cession litigieuse avait pris effet entre le fabricant et la banque à date apposée sur le bordereau, c’est-à-dire avant l’ouverture de la procédure collective, et que le paiement effectué par le débiteur cédé après la notification de la cession n’était pas libératoire.
Note :
Revirement de jurisprudence.
Jusqu’alors, la chambre commerciale de la Cour de cassation décidait que le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant faisant obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite du contrat à exécution successive postérieurement au jugement.
Mais entre-temps, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé, en matière de saisie-attribution de créances à exécution successive, qu’une telle saisie pratiquée avant la survenance d’un jugement mettant le débiteur saisi en redressement ou en liquidation judiciaire produit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance après ledit jugement qui doivent donc revenir au créancier saisissant (Cass. ch. Mixte 22-11-2002), solution que la chambre commerciale a à son tour adoptée.
Il appartenait donc à la chambre commerciale d’en tirer les conséquences en matière de cession de créances par bordereau Dailly, compte tenu de l’analogie qui existe entre ce mécanisme et celui de la saisie-attribution : transfert de propriété de la créance à la banque cessionnaire à la date portée sur le bordereau de cession dans le premier cas (C. mon. fin. art. L 313-24 et L 313-27) ; attribution immédiate de la créance au saisissant dans le second (Loi du 9-7-1991 art. 43).
Dans la mesure où, par l’effet de la cession ou de la saisie, la créance est sortie du patrimoine du cédant, elle n’est pas soumise aux règles de la procédure collective.
En l’espèce, la totalité des sommes dues en exécution de la créance cédée devait donc revenir à la banque cessionnaire.
Le fait que le débiteur cédé ait effectué le paiement entre les mains du cédant ne le libérait pas à l’égard de la banque cessionnaire dès lors que ce paiement était intervenu après notification de la cession qui lui interdit de payer le cédant (C. com. art. L 313-28) ; il s’exposait donc à un double paiement (Cass. com. 11-7-2000).