CASS. COM. 6 Mai 2003

Après avoir exactement énoncé que la fusion-absorption ne figure pas expressément au nombre des actes pour lesquels la clause d’agrément est interdite par l’art. 274 de la loi du 24 juill. 1966 devenu l’art. L. 228-23du Code de Commerce, c’est par une appréciation souveraine du sens et de la portée de la stipulation statutaire litigieuse qu’une Cour d’Appel retient qu’en décidant que « la transmission de toute action ou certificat d’investissement à un tiers non actionnaire est soumise au droit d’agrément du conseil d’administration« , les associés ont entendu soumettre à l’agrément toute forme de transfert des titres et non pas seulement la cession entre vifs.

Il résulte de l’art. L. 228-24, al. 1er du Code de Commerce, selon lequel, si une clause d’agrément est stipulée, la demande indiquant les nom, prénom et adresse du cessionnaire, le nombre des actions dont la cession est envisagée et le prix offert est notifiée à la société, et de l’art. L. 228-23, dernier alinéa, selon lequel toute cession effectuée en violation d’une clause d’agrément figurant dans les statuts est nulle, que la demande d’agrément doit être formulée préalablement à la réalisation de l’opération envisagée.

En fixant d’emblée le délai d’acquisition des actions à huit mois, la Cour d’Appel fait souverainement usage de la faculté offerte par l’art. L. 228-23, selon lequel le délai de trois mois dans lequel le conseil d’administration est tenu de faire acquérir les actions peut être prorogé par décision de justice.

Note de M. Alain LIENHARD :

Sur le principe, la Cour de Cassation ne fait qu’utiliser l’espace ouvert par le Code de Commerce, qui ne vise pas la fusion-absorption parmi les opérations ne pouvant être soumises à l’agrément de la société par une clause des statuts. Au moyen, certes, d’une acception large de la notion de « cession d’actions » utilisée par l’article L. 228-23.

Depuis la précision apportée par la loi du 2 juillet 1998 à l’ancien article 274 de la loi du 24 juillet 1966 (désormais article L. 228-23 du code), il n’est plus discutable que la « cession«  (entendons donc la « transmission« , s’agissant d’une clause qui assimile celle-ci à celle-là, en admettant que la sanction est pareillement étendue), effectuée en violation de la clause d’agrément, pour peu du moins que cette dernière figure dans les statuts, est nulle.

Ce dont la Cour de Cassation tire d’ailleurs argument, à côté des modalités de notification de la demande d’agrément prévues par l’article L. 228-24, pour affirmer le caractère impérativement préalable de l’agrément. Toujours est-il que, faute d’agrément du cessionnaire, s’appliquait ici l’article L. 228-24, alinéa 2 : le conseil d’administration devait acquérir ou faire acquérir les actions transférées, « dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus« .

Etant précisé par l’alinéa 3, que, sauf « prolongation par décision de justice à la demande de la société« , si, à l’expiration de ce délai, l’achat n’est pas réalisé, « l’agrément est considéré comme donné« .

Disposition dont cherchait à bénéficier la société bénéficiaire de la fusion en reprochant à la Cour d’Appel de Rennes d’avoir fixé d’office un délai de huit mois. Vainement : pour la Cour de Cassation, ce faisant, les conseillers rennais n’avaient fait qu’user « souverainement » et « d’emblée » de leur faculté de proroger le délai.

Source : Recueil Dalloz, Actualité jurisprudentielle 2003 page 1438