CASS. COM. 5 Octobre 2004

Cession de créances à un pool bancaire.

Une convention de cession de créances professionnelles conclue entre trois banques et une société prévoyait que toute cession au profit des banques donnerait lieu à la remise d’un bordereau à l’une des trois banques désignée comme chef de file et agissant pour le compte commun des autres, que le bordereau désignerait comme bénéficiaires toutes les banques participantes et que la remise du bordereau emporterait cession aux banques des créances à compter de la date apposée par le chef de file.

Cette convention était complétée par un protocole conclu entre les banques précisant que le chef de file aurait l’obligation, en cas de notification de la cession au débiteur cédé, de répartir le produit de l’encaissement des créances conformément au pourcentage mentionné dans le bordereau.

Ayant reçu de la société, créancier cédant, le montant d’une créance cédée, la banque chef de file avait refusé d’en reverser le montant aux autres banques en faisant valoir que l’obligation de reversement ne concernait que les sommes perçues directement des débiteurs cédés, après notification à ceux-ci de la cession.

La Cour d’appel de Paris avait, au contraire, estimé que les clauses de la convention de cession relatives au cas particulier des cessions notifiées, purement procédurales, n’avaient pas pour effet de modifier les droits des banques cessionnaires sur les créances cédées, lesquels étaient fixés par la convention et dont il résultait que les cessions avaient lieu en toute propriété au profit de toutes les banques participantes, désignées ensemble comme établissement bénéficiaire sur les bordereaux de cession, chacune pour le pourcentage qui y était indiqué.

La Cour de cassation a censuré cette décision.

En effet, il ne résultait d’aucune stipulation contractuelle que le chef de file, qui avait seulement reçu un rôle de gestion administrative des bordereaux de cession, ait été investi par les autres membres du pool du mandat de percevoir pour leur compte les fonds correspondants aux cessions consenties par la société en dehors du cas où celles-ci auraient fait l’objet de notifications aux débiteurs cédés ; il s’en déduisait que, pour la part excédant sa quote-part, le chef de file n’avait reçu les fonds correspondants aux cessions litigieuses non notifiées qu’au nom et pour le compte de la société qui en était destinataire, de sorte que le chef de file n’était pas tenu à restitution envers les membres du pool.

Note :

La Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel pour avoir dénaturé les clauses claires et précises de la convention conclue entre la société cédante et le pool bancaire. Cette convention n’imposait au chef de file de procéder à la répartition des fonds perçus entre les membres du pool que pour les cessions de créances notifiées. Pour les autres cessions, le sort des sommes devait être réglé conformément au droit commun.

En application des articles 1937 et 1993 du Code civil, au visa desquels la Cour de cassation s’est prononcée, le banquier qui réceptionne les sommes provenant des créances cédées agit en qualité de dépositaire des fonds revenant à son client, le cédant, et de mandataire de ce dernier. Il n’a donc aucun titre pour disposer de ces sommes au profit des tiers, y compris le banquier cessionnaire de la créance auquel il n’est donc pas tenu de restituer les fonds (Cass. com. 4-7-1995).

Source : BRDA, 21/04, page 9