CASS. COM. 3 Mai 2016

L’appel abusif de la contre-garantie suppose la preuve d’une collusion entre le bénéficiaire de la garantie de premier rang et celui de la contre-garantie.

Note de M. Nicolas MATHEY :

Dans certaines opérations, la combinaison garantie autonome et contre-garantie, tout aussi autonome, est fréquente et la question de l’appel abusif de la contre-garantie est loin d’être rare.

Bien que le donneur d’ordre soit souvent tenté de soutenir que l’appel de la contre-garantie est abusif parce que l’appel de la garantie de premier rang l’était lui-même, la Cour de cassation n’est manifestement pas de cet avis.

L’autonomie de la contre-garantie tant à l’égard du contrat de base qu’à l’égard de la garantie de premier rang justifie certainement cette position.

Comment dans ce cas caractériser l’abus ?

Pour la Cour de cassation, « le caractère manifestement abusif de l’appel de la contre-garantie ne peut résulter du seul caractère manifestement abusif de l’appel de la garantie de premier rang, mais suppose de démontrer l’existence, au moment de l’appel de la contre-garantie, d’une collusion entre le garant de premier rang, bénéficiaire de la contre-garantie, et le bénéficiaire de la garantie de premier rang« .

C’est ici qu’apparaît tout à la fois l’intérêt de l’arrêt et le doute sur sa portée.

Traditionnellement, si l’abus dans l’appel de la garantie de premier rang ne suffit pas à établir le caractère abusif de la mise en œuvre de la contre-garantie, il était également admis que la simple connaissance par le garant de l’abus manifeste du bénéficiaire permet de caractériser la fraude dans l’appel de la contre-garantie.

Or en exigeant désormais l’existence d’une collusion frauduleuse, l’arrêt semble aller plus loin, peut-être trop loin car une telle collusion n’est qu’une hypothèse parmi d’autres d’un appel manifestement abusif de la contre-garantie.

Bien que les circonstances de l’espèce soient peu détaillées dans l’arrêt, et guère plus dans le pourvoi, on ne peut que s’interroger sur une éventuelle limitation de la possibilité d’invoquer l’abus manifeste lors de l’appel d’une contre-garantie.

Source : JCP E, 45/16, page 11