Ayant constaté que la convention litigieuse constituait une promesse d’achat d’actions et de parts sociales, et fait ressortir qu’elle avait pour objet d’assurer l’équilibre des conventions conclues entre les parties, c’est à bon droit que la Cour d’Appel a décidé que la fixation au jour de la promesse, d’un prix minimum pour la cession de ces actions et parts sociales ne contrevenait pas aux dispositions de l’article 1844-1 du Code Civil, dès lors que n’ayant pour objet que d’assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux, même entre associés, elle était sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes, dans les rapports sociaux et ne portait pas atteinte au pacte social.
Note de M. Yves GUYON : Cet arrêt confirme la validité de la convention par laquelle un associé promet d’acheter, à un prix convenu à l’avance, les parts ou les actions d’un autre associé. Un tel accord n’est pas une clause léonine réputée non écrite par l’article 1844-1 du Code Civil.
De manière implicite et se fondant sans doute sur une indivisibilité, l’arrêt valide également une stipulation de la même convention prévoyant le rachat des comptes d’associés.
La solution ne saurait surprendre car la Chambre commerciale juge de manière constante que la clause léonine est seulement celle qui donne à l’un des associés la totalité ou la quasi totalité des bénéfices ou encore celle qui l’exonère de sa contribution aux pertes. Par conséquent, les promesses de rachat à un prix fixe ou minimum sont valables même entre associés.
…/…
En effet, deux motifs justifient la prohibition des clauses léonines. D’une part, la société est constituée en vue de partager des bénéfices ou de profiter d’une économie (C. civ., art. 1832). La stipulation qui priverait un associé de ce droit serait contraire à l’essence même de la société car le prétendu associé n’aurait aucun intérêt à l’opération et ne percevrait aucune rémunération en contrepartie de son apport. D’autre part, le contrat de société a un caractère aléatoire. Supprimer cet aléa par une clause des statuts reviendrait à dénaturer les relations de l’associé avec la société. En revanche, les transferts de droits sociaux ne mettent en cause que le cédant et le cessionnaire. La société est un tiers. Il n’y a aucune raison d’appliquer à ces opérations une règle qui concerne le partage des bénéfices ou la contribution aux pertes, c’est à dire le fonctionnement de la société. On doit au contraire s’en tenir au droit commun de la vente.
Néanmoins, la première Chambre civile a longtemps adopté une position différente. Selon elle, les promesses d’achat à un prix minimum constituent des clauses léonines car, mettant les cédants à l’abri des risques sociaux, elles les affranchissent de toute contribution aux pertes (Cass. 1è civ., 22 juill. 1986 ; 7 avr. 1987).
Cette divergence est regrettable mais semble s’atténuer car la Chambre civile a adopté plus récemment une position plus nuancée, de telle sorte qu’une conciliation paraît possible sans l’intervention de l’Assemblée plénière ou d’une Chambre mixte (Cass. 1ère civ., 29 oct. 1990).