En application de l’article 1690 du Code civil, la cession de créance est opposable aux tiers à compter de la signification de la cession au débiteur cédé ou de l’acceptation de la cession par ce dernier dans un acte authentique.
La Cour de cassation vient de juger que, si ces formalités sont en principe nécessaires pour que le cessionnaire puisse opposer aux tiers le droit acquis par lui, leur défaut d’accomplissement ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l’exécution de son obligation quand cette exécution n’est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance soit au débiteur cédé, soit à une autre personne étrangère à la cession.
En l’espèce, une banque avait cédé l’une de ses agences à une autre banque, cette cession comprenant les dettes et créances de la banque cédante. Une société, cliente de l’agence, ayant été mise en redressement judiciaire après la cession, la banque cessionnaire avait déclaré sa créance au titre du compte courant de la société et d’un prêt octroyé à celle-ci par l’agence. La société avait alors contesté cette déclaration, soutenant que la banque n’avait pas qualité de créancier à son égard en l’absence de signification de la cession des créances afférentes au compte courant et au prêt.
Cet argument a été écarté dès lors que la société, débiteur cédé, n’invoquait pas avoir subi un préjudice par le fait qu’elle aurait remboursé les sommes dues à la banque cédante après la cession ou par l’action en paiement engagée par la banque cessionnaire par voie de déclaration de créance.
Note :
La Cour de cassation rappelle ici un principe sur lequel elle n’avait pas eu l’occasion de se prononcer depuis vingt ans (Cass. 3e civ. 26-2-1985).
La signification de la cession est généralement faite par exploit d’huissier, mais elle peut aussi résulter d’autres actes dès lors qu’ils contiennent les informations nécessaires à une exacte information quant au transfert de la créance (Cass. 1re civ. 8-10-1980).
Elle peut donc résulter de l’assignation du débiteur cédé par le cessionnaire exigeant l’exécution de ses obligations par ce dernier et faisant état de la cession de créance (Cass. com. 4-6-1996), des conclusions signifiées par le cessionnaire à cette fin (Cass. 1re civ. 8-10-1980) ou encore de la saisie diligentée par ce dernier sur les biens du débiteur cédé (Cass. 3e civ. 4-1-1974). La déclaration de créance faite par le cessionnaire dans le cadre de la procédure collective du débiteur cédé, qui équivaut à une demande en justice (Cass. ass. Plén. 26-1-2001), emporte également signification de la cession de créance (CA Paris 10-9-2001).
Plus il tarde à signifier la cession, plus le cessionnaire court le risque de ne pas être payé : tant que la cession leur est inopposable, les tiers peuvent en effet acquérir des droits concurrents. Il est déconseillé au débiteur cédé de faire droit à une demande amiable de paiement du cessionnaire avant toute signification car, s’il est en mesure de savoir si la créance est déjà éteinte ou litigieuse (en raison par exemple d’une mauvaise exécution de ses obligations par le cédant), il ne lui est souvent pas possible de savoir si elle fait l’objet de droits concurrents à ceux du cessionnaire, le cédant ayant pu entre-temps transférer cette même créance à une autre personne.