Dès lors qu’une cession de loyers en garantie du remboursement d’un prêt a été signifiée au locataire conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code civil, le cessionnaire a la qualité de créancier nanti.
Note de M. Alain LIENHARD :
La Cour de cassation a refusé, à la fin de l’année 2006, la consécration générale de la cession de créance à titre de garantie.
La chambre commerciale a en effet posé le principe suivant lequel, « en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créances » (Com. 19 déc. 2006).
Dans le présent arrêt du 26 mai 2010, elle tire les conséquences de cette solution, cassant (au visa des art. 1690, 2071, 2073 et 2075 c. civ., dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 23 mars 2006) une décision de la Cour d’appel de Paris.
Les juges du fond avaient, en effet, constaté que la cession de loyers avait été conclue « en garantie de remboursement du prêt consenti » et avait « été signifiée aux locataires« , conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code civil.
Pourtant, elle n’avait vu dans cette cession de loyers qu’une simple modalité de remboursement du prêt, non constitutive d’une sûreté, pour en déduire que les loyers échus postérieurement au redressement judiciaire de la société succédant aux obligations de l’emprunteur devaient être soumis aux règles de la procédure collective.
À tort, puisque, en application de la règle prétorienne, le cessionnaire avait acquis la qualité de créancier nanti.
Il en résulte alors pour lui une situation très favorable, déjà avant la réforme de 2006, puisqu’il peut « se faire payer sur la chose qui en est l’objet, par privilège et préférence aux autres créanciers« , comme le disait l’ancien article 2073 visé par la Cour, l’expression de ce droit de paiement préférentiel se retrouvant aujourd’hui dans le nouvel article 2333 du Code civil régissant le droit commun du gage, alors que, plus précisément, s’agissant du nantissement, l’article 2263 dispose : « Après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts« .
Cette sûreté, que le créancier nanti avait déclarée comme un accessoire de sa créance et qui avait été admise à la procédure, justifiait la prétention de son titulaire de se voir reverser les loyers versés à tort entre les mains des organes de la procédure après ouverture de celle-ci.