Note de M. HEUGAS-DARRASPEN :
Cet arrêt, à propos d’un crédit à une opération immobilière, précise les obligations du chef de file d’un « pool » bancaire sur le point suivant : le chef de file qui a diligenté une procédure de saisie immobilière pour non paiement des échéances du prêt en « pool », sans en informer une banque sous-participante – en risque et en crédit pour 20 % d’une ouverture de crédit de 25.700.000 Francs – commet-elle une faute, susceptible de dommages et intérêts ? Le litige avait pris corps quand la banque sous-participante, la Société Monte Paschi, s’était vu réclamer par le chef de file une quote-part du crédit resté impayé après saisie de 1.998.036,02 Francs, soit 38,6 % du montant de la participation dans le crédit initial. Paradoxalement, la banque sous-participante ne pouvait pas se plaindre a priori du comportement du chef de file conforme à ses objectifs ; elle lui reprochait néanmoins, en engageant la procédure de saisie immobilière sans l’avoir informée, d’avoir commis à ce titre une faute.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel de PARIS (arrêt du 5 mai 1998) d’avoir rejeté cette prétention au motif « qu’il ne résulte ni des pièces produites, ni des prétentions soutenues par les parties devant les juges du fond que, conventionnellement, des restrictions aient été prévues au droit du Crédit Agricole d’exercer contre les débiteurs les voies de droit en vue du remboursement des crédits consentis… ».
Cette solution doit être approuvée, en la resituant dans son cadre exact. En effet, ce crédit a été mis en place au terme d’une convention de pool implicite, sans stipulation contractuelle, c’est à dire qu’elle n’a pas fait l’objet d’un écrit spécifique. Selon le droit commun, le chef de file ne pouvait en aucun cas renoncer à poursuivre le débiteur dans la mesure où il ne s’acquittait pas de son obligation de paiement, sauf à commettre une faute. Etait-il pour autant dispensé d’avertir le sous-participant ? Sans doute, il aurait été convenable que le chef de file avertisse les sous-participants ; mais l’obligation d’engager la procédure de saisie immobilière par le chef de file, et cette seule procédure, ne faisait pas de doute.
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A contrario, la Cour d’appel de PARIS a condamné logiquement un chef de file qui, en l’absence d’une autorisation expresse, a pris une décision de transaction impliquant un abandon de créance, sauf si cet abandon permettait d’exclure une perte plus grande, par exemple en évitant un dépôt de bilan (ch. 15 B, 3 juillet 1998). Et, dans cette ligne, toujours la même Cour d’appel de PARIS a jugé que la banque sous-participante doit « supporter à proportion de sa participation les conséquences dommageables du mauvais dénouement de l’opération, en relation avec la crise de l’immobilier » (ch., sect. B, 6 juin 1996).
Il n’aurait pu en être différemment que si une convention de pool en bonne et due forme avait prévu des dispositions en la matière, auxquelles le chef de file aurait dû se conformer, sauf à engager sa responsabilité contractuelle. Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de VERSAILLES du 9 octobre 1997 a précisé que le chef de file ne saurait engager les autres banques, sauf acte de gestion courante, que sur autorisation formelle, en dehors de dispositions contractuelles ; il y avait en l’espèce une convention de pool, faisant la loi des parties.