CASS. COM. 24 Mai 2016

Les associés qui vendent un actif social en-dessous de sa valeur abusent de leur majorité.

L’assemblée générale d’une société civile immobilière (SCI) décide la vente d’un terrain acquis par la SCI et d’un l’immeuble en cours de construction pour 200.000 €.

L’un des quatre associés égalitaires présents vote contre cette résolution. Six mois plus tard, ces biens sont cédés pour la même somme à une société que les trois associés ayant voté en faveur de la résolution viennent de constituer.

Puis l’assemblée générale de la SCI décide sa dissolution.

Jugé que la décision prise par l’assemblée générale de vendre le terrain et l’immeuble est contraire à l’intérêt de la société et caractérise un abus de majorité :

– les trois associés majoritaires soutiennent en vain que le prix de vente de l’immeuble a été fixé en considération du transfert du prêt souscrit par la SCI à l’acquéreur, le procès-verbal de l’assemblée n’en faisant pas mention ;

– ce prix ne peut pas davantage se justifier par le fait que l’immeuble était inachevé car, même si la construction était en cours au moment de l’assemblée générale, elle était terminée à la date de la vente ;

– cette cession, intervenue à un prix très inférieur à la valeur réelle de l’immeuble, s’est faite au détriment de la première SCI, qui a été privée de son actif, et de l’associé minoritaire dont les parts sociales ont perdu toute valeur, tandis que les associés majoritaires se sont retrouvés, au travers de la nouvelle SCI, seuls propriétaires de l’immeuble.

Par suite, les décisions de l’assemblée générale et la vente de l’immeuble sont annulées.

Note :

Pour déterminer si la vente d’un immeuble appartenant à une société immobilière est abusive ou non, les juges recherchent notamment si l’opération risque d’affecter la survie de la société.

Tel est le cas de la vente de la totalité des treize studios appartenant à une SCI sans que soit prévu le remploi du prix, décidé par l’associé majoritaire préoccupé de réduire la pression fiscale dont il était l’objet (CA Rennes, 27-5-2003).

Est également abusif l’apport par une société anonyme de la participation majoritaire qu’elle détenait dans une filiale à une société en commandite créée à cet effet, dont l’associé commandité et gérant statutaire était l’actionnaire majoritaire de la société anonyme, de sorte que cette opération lui assurait une complète liberté de manœuvre en limitant les pouvoirs d’intervention du minoritaire et avait fait de la société mère une coquille vide (Cass. com., 30-11-2004).

En revanche, tel n’est pas le cas de la cession de la totalité des actifs sociaux d’une société à responsabilité limitée (droits au bail, matériel informatique, meubles de bureau) à des tiers, cette cession étant nécessaire compte tenu de la situation financière critique de la société (Cass. com., 28-4-2004).

Source : EFL, 4 Juillet 2016