A l’occasion d’une augmentation de capital d’une société anonyme, des actionnaires s’étaient engagés à racheter, pour un prix égal au prix de souscription augmenté d’un intérêt, les actions qu’un autre actionnaire de la société avait souscrites, si celui-ci en faisait la demande, trois ans après, au cours d’une période prédéfinie de quinze jours.
La Cour d’appel de Versailles avait jugé que cette promesse d’achat, qui stipulait en faveur du bénéficiaire la possibilité de lever l’option si les actions perdaient toute valeur et de conserver celles-ci dans le cas contraire puisqu’il n’était lié par aucune promesse de vente, constituait un pacte léonin prohibé par l’article 1844-1, al. 2 du Code civil.
La Cour de cassation vient de juger au contraire que le bénéficiaire de la promesse, qui ne pouvait lever l’option qu’à l’expiration d’un certain délai et pendant un temps limité, restait, en dehors de cette période, soumis au risque de disparition ou de dépréciation des actions.
D’où la cassation de l’arrêt d’appel.
Note :
Tout associé doit contribuer aux pertes et les clauses, dites léonines, qui exonèrent un associé de toute contribution aux pertes, auxquelles il faut assimiler celles qui ne prévoient qu’une contribution insignifiante à celles-ci, sont réputées non écrites (C. civ. art. 1832, al. 3 et 1844-1, al. 2).
Dans cette décision du 22 février 2005, la Cour suprême relève que le bénéficiaire de la promesse n’était pas à l’abri de tout risque de perte.
Cette solution s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence ayant reconnu la validité des clauses de répartition inégale des pertes ou de celles qui aménagent l’obligation aux pertes d’une associé, au motif qu’il n’en résulte pas une suppression totale de l’obligation du bénéficiaire de contribuer aux pertes (Cass. 1e civ. 16-10-1990).
Il en résulte que la promesse d’achat d’actions à un prix fixé par avance échappe à la qualification de clause léonine dans deux cas :
– d’une part, lorsque l’équilibre des conventions est assuré ; il en est ainsi notamment si la promesse s’inscrit dans un ensemble plus global de promesses croisées de rachat et de vente des mêmes actions libellées en des termes identiques au profit de chacune des parties contractantes – ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du même jour (Cass. com. 22-2-2005, Laurent c/ CRCAM du Morbihan) -, mais aussi, par exemple, lorsqu’elle est consentie à un investisseur titulaire de la majorité en capital mais minoritaire en droits de vote (Cass. com. 19-10-1999) ;
– d’autre part, lorsque les modalités de la levée de l’option sont fixées de telle manière que le bénéficiaire n’est pas en réalité à l’abri de tout risque de perte.