CASS. COM. 22 Février 2005

Les statuts d’une société peuvent déroger à la règle selon laquelle si une part sociale est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, à condition qu’il ne soit pas dérogé au droit du nu-propriétaire de participer aux décisions collectives.

Après avoir rappelé ce principe, la Cour de cassation a censuré une décision de la Cour d’appel de Rennes qui, pour prononcer la nullité d’une clause des statuts d’une société civile prévoyant qu’en cas d’usufruit sur les parts sociales le droit de vote appartiendrait à l’usufruitier, avait retenu que cette clause instituait pour les nus-propriétaires la suppression du droit de vote et qu’elle contrevenait aux dispositions impératives de l’article 1844, alinéa 1 du Code civil, accordant à tout associé le droit de participer aux décisions collectives, peu important la faculté ouverte par l’alinéa 4 de déroger dans les statuts à la répartition du droit de vote entre le nu-propriétaire et l’usufruitier prévue par l’alinéa 3.

Note :

Réaffirmation de la distinction entre le droit de vote et la participation aux décisions collectives : s’il est possible de conférer dans les statuts le droit de vote à l’usufruitier pour tout ou partie des décisions à prendre, aucune dérogation n’est prévue en ce qui concerne le droit pour tout associé, et donc pour le nu-propriétaire, de participer aux décisions collectives (Cass. com. 4-1-1994, aff. de Gaste).

En conséquence, le nu-propriétaire doit être convoqué même aux assemblées dans lesquelles il ne vote pas et peut participer à celles-ci avec voix consultative.

La Cour d’appel de Rennes avait sanctionné la privation totale du droit de vote du nu-propriétaire, sans opérer la distinction entre le droit de voter et celui de participer (CA Rennes 27-5-2003).

La solution est transposable aux sociétés commerciales, les dispositions de l’article 1844, al. 1 du Code civil, ou des dispositions identiques (C. com. art. L223-28, al. 1 pour les Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL), leur étant applicables.

Si le droit des sociétés ne s’oppose pas à la suppression du droit de vote du nu-propriétaire, demeure la question de la validité de la clause au regard du droit des biens.

En effet, la clause statutaire privant l’usufruitier de tout droit de vote – et donc du droit de voter les décisions concernant l’affectation des bénéfices – n’est pas valable, car elle le prive des prérogatives essentielles que l’article 578 du Code civil attache à l’usufruit : celles d’user du bien et d’en percevoir les fruits (Cass. com. 31-3-2004).

En tout état de cause, l’usufruitier auquel la totalité du droit de vote a été accordé engagerait sa responsabilité envers le nu-propriétaire s’il portait atteinte à la substance des parts dans l’usage de cette prérogative.

Source : BRDA, 6/05, page 3