En présence d’une communauté d’intérêt entre le marchand de biens et les sous-acquéreurs des immeubles achetés sous le régime de faveur, le tribunal ne peut pas écarter la critique tirée de l’abus de droit sans rechercher si la cession présentait un intérêt d’ordre économique ou commercial.
Note : Une société marchand de biens a vendu en 1989 et 1990, quelques jours avant l’expiration du délai de revente à l’époque de 5 ans, divers immeubles à une société et une entreprise individuelle dont elle partageait les locaux, le dirigeant et le capital social.
Considérant ces ventes comme fictives, l’administration notifie un redressement selon la procédure de l’abus de droit. Le Comité consultatif pour la répression des abus de droit saisi pour avis, avait conclu au bien-fondé du redressement.
Toutefois, le TGI de METZ accueille la demande de la société au motif que la vente est effective, ce que ne contestait pas l’administration, et que doit demeurer sans incidence le fait que les reventes aient eu lieu quasiment à l’expiration du délai, « le contribuable ayant le droit de chercher à tirer le plus grand avantage de la législation fiscale ».
Le jugement est cassé pour défaut de base légale. Selon la Cour suprême, le tribunal qui a constaté la communauté d’intérêt entre les parties aux actes de vente et relevé l’avis favorable au redressement formulé par le comité consultatif pour la répression des abus de droit, devait rechercher si, outre l’intérêt fiscal de ne pas payer les droits de mutation, la cession présentait un intérêt d’ordre économique ou commercial.
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Il résulte de cette décision que même lorsqu’elles sont effectives notamment par l’existence d’une contrepartie financière, les reventes intervenant peu de temps avant l’expiration du délai légal au profit de personnes liées par des liens d’intérêt commun avec le marchand de biens ne seront opposables à l’administration fiscale au sens des dispositions de l’article L.64 LPF réprimant les abus de droit que si démonstration est faite qu’elles ne sont pas inspirées par un but exclusivement fiscal. Il appartient donc au marchand de biens d’articuler la preuve de l’intérêt économique ou commercial qu’a pu présenter la revente intervenant dans ces conditions particulières. A défaut, outre les droits normalement dus sur l’acquisition litigieuse, toutes les parties à l’acte doivent solidairement la majoration de 80 % pour abus de droit (CGI, art. 1729).
La décision citée en référence illustre la dualité de la notion d’abus de droit : l’abus de droit peut prendre la forme soit d’un acte fictif soit d’un acte qui, bien que réel, n’a pu être inspiré que par des préoccupations exclusivement fiscales.