CASS. COM. 20 Juin 2006

La clause contractuelle faisant référence à la faculté réservée au prêteur de contrôler l’emploi des fonds est stipulée dans le seul intérêt de celui-ci.

Note de MM. Francis-J. CREDOT et Thierry SAMIN :

Le Crédit mutuel avait consenti à M. B. et Mme L. un prêt destiné à leur permettre de financer la construction d’une maison d’habitation et avait délivré une partie des fonds, directement à M. B., sur présentation par ce dernier de factures apparemment afférentes à des travaux ou prestations relatifs à la construction dont il s’était révélé ensuite qu’elles étaient fictives.

Le constructeur, resté créancier, avait mis en cause la responsabilité du Crédit mutuel, lui reprochant d’avoir remis une partie du prêt directement aux emprunteurs, alors qu’il n’ignorait pas que le contrat de construction avait été conclu avec lui.

Les juges du fond avaient condamné la banque, au motif que si celle-ci avait été abusée par M. B., elle avait néanmoins commis une négligence dont elle devait répondre en acceptant, sans aucun contrôle, d’effecter les règlements directement entre les mains de M. B., bien que n’ignorant pas que le contrat de construction avait été conclu avec la seule société de construction.

Sur pourvoi de la banque, l’arrêt est cassé.

« Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’il n’avait été ni prétendu, ni prouvé que les emprunteurs n’auraient pas eu la libre disposition des fonds empruntés hors de tout contrôle du Crédit mutuel, que la clause contractuelle faisant référence à la faculté réservée au prêteur de contrôler l’emploi des fonds avait été stipulée dans le seul intérêt de celui-ci et sans caractériser en quoi le comportement de l’établissement de crédit aurait pu être abusif, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Le prêteur engage-t-il sa responsabilité envers les tiers en cas de non-respect par l’emprunteur de l’affectation convenue du prêt ?

Le contrat de prêt stipulant « à chaque remise de fonds, le prêteur pourra exiger la remise de toutes pièces justificatives constatant l’avancement des travaux, ou l’exigibilité du prêt« .

La clause contractuelle relative à l’affectation des fonds empruntés est stipulée dans le seul intérêt du prêteur, pour sa sécurité, le remboursement du prêt pouvant être compromis en cas de non-respect de l’affectation des fonds à l’objet même pour lequel il a été sollicité, cet objet constituant, sinon toujours le gage juridique du crédit, du moins son gage économique.

La clause n’est pas une stipulation pour autrui constitutive d’un engagement pris envers un tiers, la société de construction, comme en l’espèce.

Source : Revue de droit bancaire et financier, 6/06, page 13