CASS. COM. 2 Juin 2004

Concours de cautionnement et de la garantie à première demande : le créancier est-il libre dans le choix de la sûreté qu’il met œuvre ?
Sauf fraude ou abus, le créancier qui bénéficie d’une pluralité de sûretés ne commet pas de faute en choisissant le moyen d’obtenir le paiement de sa créance.

Note de M. Laurent LEVENEUR :

Une banque consent à une société deux prêts et un certain découvert en compte courant. Elle se fait garantir le remboursement de ces crédits par des cautionnements des associés de la société débitrice, ainsi que, deux ans plus tard, par trois lettres de garantie à première demande émise par une autre banque.

Après la clôture du compte courant, qui présentait un important solde débiteur, les cautions se voient réclamer l’exécution de leur engagement.

Avec la société débitrice, elles répliquent en reprochant à la banque une faute, celle d’avoir négligé d’appeler la garantie à première demande ; en conséquence, elles réclament des dommages-intérêts.

La Cour d’appel accueille cette prétention : elle retient la responsabilité de la banque au motif que celle-ci a commis une faute en ne mettant pas en œuvre la garantie à première demande avant l’expiration du délai prévu.

Cette décision était promise à une cassation certaine.

Comme le dit très justement la Chambre commerciale, « le créancier qui bénéficie d’une pluralité de sûretés ne commet pas de faute en choisissant le moyen d’obtenir le paiement de sa créance ».

Tout au plus la Cour de cassation réserve-t-elle la fraude ou l’abus, ces mécanismes ayant une vocation générale à limiter l’absolutisme dans l’exercice des droits.

On pourrait aussi songer à des stipulations contractuelles, qui organiseraient une hiérarchie entre diverses sûretés consenties au créancier : par exemple, une garantie à première demande pourrait sans doute être organisée de façon à ne jouer qu’après une tentative infructueuse de mise en œuvre d’un cautionnement.

Mais, en l’absence d’une telle hiérarchie, il n’y a pas de faute pour le créancier à choisir de mettre en œuvre tel droit dont il dispose plutôt que tel autre.

Lorsque le paiement de sa créance lui a été promis par des cautions solidaires qui sont chacune tenues au tout, le créancier peut, à son libre choix, réclamer le paiement de la totalité de la dette garantie à l’une quelconque des cautions.

Il ne commet pas plus de faute lorsqu’il choisit de s’adresser à ses cautions plutôt qu’à celui qui lui a donné une garantie à première demande, ou l’inverse d’ailleurs.

Source : Contrats - Concurrence - Consommation, Septembre 2004, page 11