CASS. COM. 18 Février 2004

Une société qui, en qualité de caution solidaire avec une autre personne morale, avait été poursuivie par un créancier et avait désintéressé celui-ci, s’était retournée contre l’autre caution pour qu’elle soit condamnée à lui payer sa part de la dette commune. Par l’effet d’une fusion intervenue en cours de procédure, la société avait été absorbée puis radiée du registre du commerce et un jugement avait en conséquence rejeté sa demande.

Elle avait toutefois fait appel de cette décision, avec la société absorbante, et la Cour d’appel de Paris avait déclaré ces demandes irrecevables, la société absorbée n’ayant plus d’existence légale et la société absorbante n’étant pas partie à la procédure. La société absorbante avait alors introduit une nouvelle action en paiement contre l’autre caution et la Cour d’appel de Versailles avait cette fois fait droit à la demande.

La Cour de cassation vient au contraire de juger que la demande de la société absorbante était irrecevable au motif que celle-ci avait recueilli, par l’effet de la fusion, l’intégralité du patrimoine de la société absorbée et pouvait en qualité d’ayant cause universel se voir opposer l’autorité de la chose jugée à l’égard de cette société.

Note :

La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires (C. com. art. L 236-3, I). C’est la raison pour laquelle la société absorbante devient, comme l’héritier d’une personne physique, l’ayant cause universel de la société absorbée et peut donc se voir opposer l’autorité de la chose jugée à l’égard de celle-ci.

Il résulte notamment de cette décision que, si un jugement défavorable devenu définitif a été rendu contre une société absorbée, la société absorbante ne peut pas introduire en son propre nom une nouvelle action, pour défendre la même cause.

De son côté, par l’effet de la dissolution sans liquidation, la société absorbée ne peut pas continuer les procès en cours après sa radiation du registre du commerce. Elle n’a notamment plus la faculté d’interjeter appel d’un jugement rendu contre elle (Cass. com. 11-2-1986).

La société absorbante a toutefois la faculté de se substituer à la société absorbée, en intervenant en cours d’instance pour régulariser la procédure et il a été jugé qu’elle pouvait le faire même au stade de l’appel (Cass. com. 27-2-1996). Au cas d’espèce, la société absorbante n’était pas intervenue dans la procédure de première instance et sa déclaration d’appel n’avait pas permis de régulariser la procédure, ce qui s’explique peut être par le fait qu’elle n’avait pas déclaré se substituer à la société absorbée, celle-ci ayant également établi, à tort, une déclaration d’appel.

Cette solution met en lumière la nécessaire vigilance dont doivent faire preuve les sociétés bénéficiaires d’opérations de fusion ou de scission afin de pouvoir poursuivre les actions en justice impliquant la société absorbée ou scindée.

Une société absorbée ou scindée ne peut pas non plus introduire une nouvelle action en justice postérieurement à son absorption ou à sa scission (Cass. com. 11-2-1986) et il a été jugé à plusieurs reprises que le vice de fond dû à cette inexistence ne peut pas être couvert par l’intervention à l’instance de la société absorbante (Cass. com. 7-12-1993).

Source : BRDA, 5/04 page 2