CASS. COM. 17 Mars 2004

L’acquéreur des parts d’une société dont le passif après la cession dépassait de façon importante le passif évalué dans l’acte de cession avait demandé à ce que le cédant soit condamné, pour réticence dolosive, à lui payer une somme égale au dépassement.

Cette demande a été rejetée car il n’était pas établi, compte tenu des circonstances suivantes, que le cédant avait eu connaissance lors de la cession de ce que le passif dépasserait le montant prévu à l’acte de cession, ni qu’il aurait dissimulé à l’acquéreur une information sans laquelle ce dernier n’aurait pas contracté :

– le caractère particulièrement méticuleux des négociations en vue de la cession, l’assistance tant juridique que comptable dont s’étaient assurées les parties, leur accord sur un document prévisionnel envisageant un déficit de 68 600 €, alors qu’il était seulement de 29 000 € à la date de référence et la limitation délibérée du risque, évident pour chacun, à 45 000 €, qui se fondait sur des documents comptables non discutés et accessibles à tous, ne permettaient pas de retenir que le consentement de l’acquéreur avait été vicié ;

– il n’était pas établi que le cédant avait voulu tromper l’acquéreur sur la valeur des actions cédées compte tenu du provisionnement très large des créances douteuses, reconnu par le commissaire aux comptes lui même, et de l’impossibilité pour le cédant, ancien dirigeant et alors principal actionnaire, licencié peu auparavant par l’acquéreur, d’assurer le suivi des opérations de recouvrement et de veiller à l’établissement conforme des comptes comme il en avait été convenu dans l’acte de cession.

Note :

Une cession de droits sociaux peut être annulée en cas de réticence dolosive c’est-à-dire lorsque le cédant a dissimulé à l’acquéreur un fait qui, s’il avait été connu de ce dernier, l’aurait empêché de contracter (Cass. 3e civ. 2-10-1974). Encore faut-il que le cédant ait eu connaissance de ce fait ou aurait dû le connaître.

Ainsi, l’acquéreur de parts sociales ne peut pas reprocher au cédant de lui avoir caché la défection d’un certain nombre de clients de la société cédée, dès lors que rien ne démontre qu’au jour de la signature de la promesse de cession, le cédant qui avait cessé d’exercer des fonctions de direction au sein de la société, savait que les principaux clients de cette société allaient la quitter (Cass. com. 7-4-1998).

En revanche commet un dol par réticence le cédant qui n’informe pas l’acquéreur :

– de la pollution d’un site d’exploitation de la société cédée, alors qu’il était au courant de cette pollution et des conséquences financières qui pourraient en résulter pour l’acquéreur en cas d’obligation de dépollution imposée par l’administration (CA Lyon 10-4-2003) ;

– d’irrégularités comptables alors que, même s’il n’en a été ni l’auteur ni l’initiateur, il ne pouvait les ignorer en raison de ses fonctions de directeur administratif et financier de la société, en charge des comptes de l’exercice ayant servi à l’évaluation des parts cédées, d’associé fondateur et d’ancien gérant (T. com. Paris 27-6-1995).

Source : BRDA, 10/04 page 3