Conséquences de la nullité d’une clause d’adhésion à un groupement d’intérêt économique (GIE).
Note de Mme Emmanuelle CHAVANCE :
Les baux des centres commerciaux obligeaient le preneur à adhérer à une association des commerçants, dont l’objectif était d’assurer la promotion et l’animation du centre, en réglant une cotisation souvent proportionnelle à la surface des locaux.
L’intérêt de ces clauses était de permettre aux sociétés, propriétaires des centres commerciaux et membres de l’association, de contrôler plus facilement la commercialité du centre. Les charges supportées par les locataires dans les centres commerciaux étant de plus en plus lourdes, certains d’entre eux se sont alors retirés de l’association dont ils étaient adhérents.
Saisie de la validité de ces clauses, la jurisprudence a jugé que toute clause d’un bail commercial faisant obligation à un preneur d’adhérer à une association des commerçants et à maintenir cette adhésion pendant toute la durée du bail était nulle au visa de l’article 4 de la loi de 1901 au motif que cette clause méconnaissait le principe de liberté fondamentale de ne pas s’associer (Cass. 3e civ., 5 déc. 2001).
Par un arrêt du 12 juin 2003, la 3ème chambre civile, puis la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mai 2010, ont décidé que « la clause d’un bail commercial faisant obligation au preneur d’adhérer à une association des commerçants et à maintenir son adhésion pendant toute la durée du bail était entachée d’une nullité absolue » en se fondant sur la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour éviter d’avoir à rembourser les cotisations perçues, les propriétaires des centres commerciaux ont alors invoqué l’article 1371 du Code civil et l’enrichissement sans cause.
Ce fondement juridique a été rejeté par la 1ère chambre civile dans son arrêt du 20 mai 2010, mais la 3ème chambre civile, dans une décision du 23 novembre 2011, a rappelé que la nullité de la clause emportait l’effacement rétroactif du contrat et avait pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ce qui impliquait des restitutions réciproques. Toutefois, compte tenu de la nature des services offerts par l’association aux commerçants, la restitution en nature s’avérait impossible.
Dans un arrêt du 12 juillet 2012, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a statué dans le même sens que la 3ème chambre civile en décidant que la nullité déclarée de la clause d’adhésion avait pour effet de remettre à cet égard les parties dans leur situation initiale, de sorte que la société devait restituer en valeur les services dont elle avait bénéficié à ce titre et que les juges du second degré avaient souverainement estimé au montant des cotisations déjà réglées.
Pour contourner la nullité des clauses d’adhésion à une association, les propriétaires de centres commerciaux ont modifié la forme juridique de la structure en créant des groupements d’intérêt économique dans lesquels l’obligation d’adhérer à un GIE a été jugée licite (Cass. 3e civ., 18 déc. 2001), mais la chambre commerciale a toutefois considéré que tout membre d’un GIE pouvait se retirer dans les conditions prévues par le contrat, sous réserve qu’il ait exécuté ses obligations (Cass. com., 20 mars 2012).
Dans l’arrêt du 16 septembre 2014, la chambre commerciale n’avait pas eu à se prononcer sur la validité de la clause d’adhésion à un groupement d’intérêt économique dans la mesure où cette dernière a déjà été déclarée nulle, mais uniquement sur les conséquences de la nullité.
Elle statue dans le même sens que les 1ère et 3ème chambres civiles en décidant que la nullité de la clause d’un bail commercial obligeant une société à adhérer à un groupement d’intérêt économique a pour effet de remettre les parties dans leur situation initiale, de sorte que la société doit restituer en valeur les services dont elle avait bénéficié de la part du GIE.