En cas de défaut par une société par actions de déposer ses comptes sociaux au greffe, tout intéressé peut demander en justice la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir la formalité.
Note de M. VIANDIER : L’article 293 du décret du 23 mars 1967 fait obligation à toute société par actions de déposer au greffe du tribunal de commerce ses comptes annuels, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois qui suit leur approbation. L’infraction à cette disposition est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
Il semble qu’un grand nombre de sociétés, soit par négligence, soit le plus souvent par abstention délibérée, ne respectent pas cette obligation, préférant dans ce dernier cas s’exposer à devoir payer l’amende, en l’occurrence modique, de 10.000 Francs, plutôt que de dévoiler leurs comptes au public.
Dans le cadre d’un contentieux judiciaire, consécutif à la prise de contrôle de deux sociétés, qui opposait l’acquéreur au cédant, ce dernier avait demandé au greffe du tribunal de commerce communication des comptes sociaux desdites sociétés au titre des trois derniers exercices. Le cédant entendait ainsi vérifier, par l’examen des comptes établis postérieurement aux cessions intervenues, les allégations de l’acquéreur sur la situation comptable et financière des deux sociétés.
Sa demande étant restée vaine, le cédant se fondant sur l’article 283 du décret du 23 mars 1967 mit alors en demeure les sociétés d’accomplir la formalité de dépôt des comptes, puis demanda au président du tribunal de commerce, statuant en référé, la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir cette formalité. L’affaire ayant été portée devant la Cour d’Appel de LYON, les juges du fond refusèrent au cédant le droit d’obtenir les comptes en exigeant que celui-ci apporte la preuve que ces documents étaient nécessaires à la défense de ses intérêts.
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Interprétant largement la notion d’intéressé, la Chambre commerciale accueille favorablement le pourvoi et casse ainsi l’arrêt de la Cour de LYON au visa des articles 283 et 293 du décret du 23 mars 1967 :
« Attendu qu’en statuant ainsi, en soumettant cette production (des comptes sociaux) à des conditions alors que toute société par actions est tenue de déposer ses comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois qui suit l’approbation de ses comptes annuels et qu’en cas d’omission de cette formalité,, si la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un mois à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée, tout intéressé peut demander au président du tribunal de commerce statuant en référé de désigner un mandataire chargé d’accomplir la formalité, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Par cet arrêt, la Cour de Cassation confirme le caractère impératif de l’obligation de dépôt et affirme la possibilité donnée à tout intéressé d’exercer une action en régularisation, sans que la production des comptes soit soumise à des conditions.
Cette décision est enfin en harmonie avec la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes. Faisant application de l’article 6 de la première directive 68/151/CEE du 9 mars 1968 qui impose la publicité des comptes sociaux, cette juridiction rappelant que la première directive a pour objectif, conformément à l’article 54-3-g du Traité de Rome, la protection des intérêts tant des associés que des tiers, avait donné une interprétation large à la notion de tiers. Elle avait ainsi jugé que la législation d’un Etat membre (en l’espèce l’art. 335 du Code de Commerce Allemand), qui n’ouvre qu’aux associés, aux créanciers et aux représentants des salariés le droit de réclamer la sanction prévue par le droit national en cas de non-respect par une société de l’obligation de publier ses comptes annuels, ne répond pas aux exigences de l’article 6 précité, invitant par voie de conséquence à admettre l’action des tiers (CJCE, 5è ch. 4 déc. 1997).