Une sûreté accordée par une société à responsabilité limitée en garantie des dettes d’un tiers est valable même si elle est dépourvue de contrepartie et si elle l’expose à réaliser son seul actif.
Dans les rapports avec les tiers, le gérant d’une société à responsabilité limitée (SARL) est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés.
La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer.
Il résulte de ces dispositions, qui doivent être mises en œuvre à la lumière de l’article 10 de la directive européenne du 16 septembre 2009 sur les sociétés commerciales (prévoyant lui aussi que la société est engagée par son représentant légal même pour les actes ne relevant pas de l’objet social), que la contrariété à l’intérêt social d’un engagement souscrit par le gérant ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité de l’engagement.
Par suite, une sûreté hypothécaire donnée par une SARL en garantie de la dette d’un tiers (une société appartenant au même groupe qu’elle) ne pouvait pas être annulée aux motifs qu’aucune contrepartie directe ne venait l’équilibrer et que le bien donné en garantie (en l’espèce un terrain) était le seul actif immobilisé de la SARL.
Note :
Par cet arrêt, la Cour de cassation refuse d’étendre à la SARL la solution qu’elle a récemment retenue pour les sociétés civiles (transposable aux sociétés en nom collectif ou en commandite simple), selon laquelle une sûreté accordée par la société en garantie des dettes d’un associé ou d’un tiers, même lorsqu’elle entre dans l’objet social, n’est pas valable si elle est contraire à l’intérêt social (Cass. com., 23-9-2014 ; Cass. com. 10-2-2015). Ce refus n’est pas surprenant : les SARL (comme les sociétés par actions) sont soumises à la directive européenne précitée visant notamment à assurer la sécurité juridique des tiers.
L’article 10 de cette directive protège les tiers en posant un principe d’engagement de la société à leur égard au titre des actes accomplis par les personnes légalement investies du pouvoir de la représenter. Ce texte vise à assurer la protection des tiers en limitant, autant que possible, les causes de nullité des engagements pris au nom de la société.
La règle est donc que les tiers qui contractent avec une société relevant de la directive doivent pouvoir s’en remettre à la fonction exercée par leur interlocuteur sans avoir à faire d’autre recherche.
Cette règle se retrouve dans le Code de commerce aux articles L. 223-18 (pour les SARL), L. 225-56 (pour les sociétés anonymes à conseil d’administration), L. 225-64 (pour les sociétés anonymes à directoire), L. 226-7 (pour les sociétés en commandite par actions) et L. 227-6 (pour les sociétés par actions simplifiées).
Il y a donc lieu d’interpréter ces dispositions dans un sens conforme au droit de l’Union, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation en 2013. Elle a alors jugé que les tiers sont fondés à considérer que les engagements souscrits pour le compte d’une société par actions simplifiée par une personne portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué obligent la société sans qu’ils aient à se préoccuper des termes des statuts (Cass. com., 9-7-2013).