Le cessionnaire n’est tenu d’informer le cédant ni des négociations tendant à l’acquisition par un tiers d’autres titres de la même société ni de celles qu’il conduit lui-même avec ce tiers en vue de lui céder ou de lui apporter les titres faisant l’objet de la cession ;
Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard de l’article 1382 du Code civil, une Cour d’appel qui, alors qu’elle constatait que le dirigeant et actionnaire des sociétés B et FB, avait été à l’initiative de la cession des actions de la première au bénéfice de la seconde, n’a pas recherché, ainsi qu’il lui était demandé, s’il n’avait pas caché l’existence des négociations conduites avec un tiers en vue du rachat ou de l’apport de ces mêmes actions, et ainsi manqué à l’obligation de loyauté qui s’impose au dirigeant de société à l’égard de tout associé en dissimulant aux cédants une information de nature à influer sur leur consentement.
Note de M. Alain LIENHARD :
Les circonstances autant que la solution de la Cour de cassation rappellent le célèbre arrêt Vilgrain du 27 février 1996 par lequel la Chambre commerciale avait admis l’existence d’une réticence dolosive de la part d’un président coupable d’avoir « manqué au devoir de loyauté qui s’impose au dirigeant d’une société à l’égard de tout associé, en particulier lorsqu’il en est intermédiaire pour le reclassement de sa participation« .
Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler d’emblée les faits alors sanctionnés pour montrer combien s’en rapprochent ceux de la présente espèce : le dirigeant s’était abstenu d’informer le cédant (minoritaire) des négociations qu’il avait engagées pour la vente des mêmes actions (correspondant à la cession du bloc de contrôle à un prix minimal supérieur).
Tout cela pour en revenir à l’arrêt du 12 mai 2004 : ici aussi un conflit opposait les intérêts du président du conseil d’administration de la société dont les actions avaient été cédées ; et ce conflit allait le conduire à taire aux cédants les tenants et les aboutissants de l’opération à laquelle il les pressait de participer.
Le dirigeant, qui avait convaincu deux des membres de sa famille associés de céder leurs titres (800 actions pour l’un, 686 pour l’autre) à une nouvelle société, créée entre lui-même et d’autres actionnaires de la première, pour le prix unitaire de 1800 francs, ne leur avait pas révélé que, parallèlement, il menait d’autres négociations avec une troisième société.
Qui déboucheront, deux mois plus tard, sur l’acquisition par celle-ci, non seulement de 955 actions de la première société, mais, plus encore, sur la quasi-totalité des actions de la deuxième société aussi, qu’elle finira d’ailleurs par absorber. Et, dans les deux cas, pour le même prix, sensiblement supérieur, de 4022 francs l’action.
Voilà qui explique pourquoi les deux associés cédants se sont sentis victimes d’un dol par réticence et ont réclamé réparation de leur préjudice au fond, au motif, notamment, qu’il n’était pas prouvé qu’au jour de la cession « le prix de l’action avait déjà été fixé ni que l’absorption de la société était acquise, ceux-ci étant conditionnés par la possibilité pour la société (absorbante) d’acquérir l’ensemble des actions et donc par l’attitude des actionnaires minoritaires« .
La cassation partielle de l’arrêt de la Cour d’appel de Besançon confirme tout ce que l’on croyait savoir de la jurisprudence Vilgrain.
C’est bien au droit des sociétés, dans la qualité même de dirigeant, que puise l’obligation de révélation.
Comme dit, il s’agit de transparence et, plus particulièrement, de l’idée, souvent soulignée, de l’équivalent de l’interdiction légale, pour les sociétés cotées, d’utiliser des informations privilégiées. De sorte que, fort logiquement, nulle faute n’a été retenue à l’encontre de la société.