Consécration de la solidarité de principe entre la société apporteuse et la société bénéficiaire dans les apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions.
Note de M. Alexis CONSTANTIN :
La Cour de cassation a pris position sur le sens qu’il convient de donner à l’article L. 236-20 du Code de commerce, lorsqu’il doit être appliqué à une opération d’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions.
Aux termes dudit article « les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission sont débitrices solidaires des obligataires et des créanciers non obligataires de la société scindée, au lieu et place de celle-ci sans que cette substitution emporte novation à leur égard« .
L’article L. 236-21 du Code de commerce dispose pour sa part que, par dérogation au principe précédemment énoncé, « il peut être stipulé que les sociétés bénéficiaires de la scission ne seront tenues que de la partie du passif de la société scindée mise à la charge respective et sans solidarité entre elles. En ce cas, les créanciers non obligataires des sociétés participantes peuvent former opposition à la scission…« .
Ces deux dispositions n’ont été pensées par le législateur de la loi de 1966 que pour les opérations de scission, comme le démontrent tout à la fois la référence à une pluralité de sociétés bénéficiaires et l’absence de prise en compte de la société scindée, tout à fait logique dans le cadre d’une opération de scission au terme de laquelle la société scindée est dissoute et perd sa personnalité morale.
Le problème est que ce même législateur a parallèlement permis que « la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport » puissent « décider d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 » (C. com. art. L. 236-22).
Autrement dit, il est possible de placer l’opération d’apport partiel d’actif soit sous le régime de droit commun des apports en nature de fonds de commerce, soit sous le régime, juridiquement comme fiscalement spécial, des scissions de sociétés.
La Cour de cassation considère, nonobstant le fait que dans cette hypothèse la société apporteuse ne soit pas dissoute et conserve sa personnalité morale à l’issue de l’opération, que l’apport partiel d’actif placé sous le régime de la scission emporte application de toutes les règles et de tous les effets de celle-ci.
Il en résulte qu’à la lettre, les articles L. 236-20 et L. 236-21 du Code de commerce sont totalement inadaptés à la protection des créanciers dans une opération d’apport partiel d’actif.
C’est cette inadéquation que la Cour de cassation a entendu réparer.
Les juges du fond ont fait une application restrictive de l’article L. 236-20 du Code de commerce, qui les a conduit à estimer qu’aucune solidarité légale ne peut exister à ce titre entre la société apporteuse et la société bénéficiaire et qu’en l’absence d’une solidarité conventionnellement prévue dans le traité d’apport, seule cette dernière société peut être poursuivie en paiement des dettes qui lui ont été transmises.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est cassé, au terme d’une motivation qui ne laisse aucun doute sur la lecture par la Cour suprême de l’article L. 236-20 du Code de commerce.
Elle juge en effet « qu’en statuant ainsi, alors que, dans le cas d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions, la société apporteuse reste, sauf dérogation prévue à l’article L. 236-21 du Code de commerce, solidairement obligée avec la société bénéficiaire au paiement des dettes transmises à cette dernière, la Cour d’appel a violé » les articles L. 236-20, L. 236-21 et L. 236-22 du Code de commerce.