CASS. CIV. 3ème 9 Novembre 2005

L’acquéreur de terrains bénéficiant d’un permis de construire définitif peut-il exiger du vendeur la délivrance d’une autorisation de lotir ?

En application de l’article L. 315-1 du Code de l’urbanisme, les ventes de parcelles pour lesquelles un permis de construire définitif a été accordé ne peuvent plus être annulées pour inobservation de la réglementation applicable aux lotissements.

L’absence d’autorisation de lotir ne constitue donc pas un manquement du vendeur à son obligation de délivrance susceptible de justifier l’annulation de la vente.

Note de Mme Françoise NESI :

Un lotisseur avait obtenu un permis de construire pour un programme d’urbanisation impliquant une division parcellaire en plusieurs lots.

Quatre ans plus tard, il a cédé à un promoteur les lots non construits avec transfert du permis de construire initial par autorisation de la municipalité.

L’acte de vente faisait clairement référence à la convention initiale d’aménagement et d’équipement, au régime de division des sols, et attirait l’attention des acquéreurs sur la nécessité de ne pas interrompre le chantier pendant plus d’un an.

La municipalité a par la suite constaté la caducité du permis de construire en l’absence de travaux sur le site.

L’acquéreur a alors déposé une nouvelle demande de permis de construire, qui lui a été refusée au motif que la division de l’unité foncière dont étaient issues les parcelles ayant abouti à la création de plus de deux terrains en vue de l’implantation de bâtiments sur une période de moins de dix ans était intervenue sans autorisation de lotir, et ce en violation des articles R. 315-1 et suivants du Code de l’urbanisme relatifs à la réglementation des bâtiments.

L’acquéreur a alors assigné le vendeur en nullité de la vente pour manquement à son obligation de délivrance en raison de l’absence d’autorisation de lotir.

L’arrêté de lotissement donne à son titulaire le droit de procéder aux travaux de viabilisation et de diviser le terrain en le vendant par lots en vue de la construction, mais il ne donne pas le droit de construire sur ces lots, ce droit restant soumis à l’octroi d’un permis de construire préalable.

L’autorisation de lotir confère seulement au terrain la constructibilité, quelle que soit l’évolution des règles d’urbanisme.

Seul le permis de construire, qui atteste que la construction projetée respecte les règles d’urbanisme, confère un droit acquis à la construction autorisée, qui ne peut pas être altéré par la mise en vigueur de dispositions réglementaires postérieures à sa délivrance : il produit donc ses effets juridiques sans limitation dans le temps, conformément à l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme.

Il est considéré comme un accessoire de l’immeuble et se transmet avec ce dernier, moyennant une nouvelle décision administrative modifiant, sur demande de l’acquéreur, l’identité du bénéficiaire.

L’articulation entre autorisation de lotir et permis de construire se présente de la façon suivante :

– le permis de construire ne peut pas être légalement délivré sans autorisation de lotir préalable, ce qui constituerait une infraction à la réglementation des lotissements : étant lui-même illégal, il serait alors susceptible de retrait ou de recours ;

– cependant, l’article L. 315-1 du Code de l’urbanisme prévoit expressément que le permis de construire délivré sur un lot irrégulièrement détaché couvre la nullité née de l’infraction à la réglementation sur les lotissements.

En l’espèce, l’acquéreur avait acquis un terrain avec un permis de construire « valable pour un bâtiment déterminé » qui lui avait été régulièrement transmis par une décision du maire : il avait donc reçu des « droits fermes à construire » découlant du permis de construire qui lui avait été délivré comme accessoire de l’immeuble vendu.

Ces droits lui étaient donc définitivement acquis, et leur perte n’est due qu’à l’impéritie de l’acquéreur qui ne les a pas mis en œuvre dans le délai fixé par l’article R. 421-32 du Code de l’urbanisme.

S’agissant d’un promoteur qui de surcroît avait été dûment informé de toutes les conventions applicables à ce programme immobilier, et dont l’attention avait été attirée sur les délais de réalisation affectant les travaux, la réticence dolosive du vendeur qu’il invoquait également à l’appui de sa demande de nullité de la vente n’avait aucune chance de prospérer.

Sur le fondement du manquement du vendeur à l’obligation de délivrance, elle n’a pas eu plus de succès : l’acquéreur avait bien reçu un terrain avec des droits intangibles à construire.

Source : BJDU, 2/06, page 110