CASS. CIV. 3ème 9 Novembre 2004

La convention d’occupation précaire doit être caractérisée par des circonstances particulières constituant un motif légitime de précarité autre que la seule volonté des parties.

Note de M. Jean-Pierre BLATTER :

Une Société Civile Immobilière (SCI) avait donné des locaux à bail à l’université de Lille III pour neuf ans à compter du 15 octobre 1990.

Le bail était soumis au statut des baux commerciaux, s’agissant d’un établissement d’enseignement, à raison des dispositions de l’article L. 145-2 1°, du Code de commerce.

Par avenant signé en 1996, les parties convenaient que le bail prendrait fin au terme de la deuxième période triennale prorogée de deux années, soit le 15 octobre 1998.

La durée d’occupation se trouvait ainsi réduite à huit années, mais cette convention de résiliation amiable anticipée était parfaitement régulière et n’aurait pu donner lieu à aucun contentieux si elle avait été exécutée.

Elle ne le fut pas et l’université ne quitta pas les lieux à la date prévue.

Elle poursuivit son occupation jusqu’au 15 octobre 1999, date pour laquelle elle mit fin au contrat le 15 septembre 1999, un mois avant, on ne sait dans quelles conditions de forme.

La SCI bailleresse considéra que l’avenant de 1996 était nul et que faute d’avoir été dénoncé au moins six mois avant l’échéance, le bail s’était poursuivi au-delà du 15 octobre 1999.

Elle assigna en paiement des loyers postérieurs à cette date.

Elle fut déboutée par la Cour d’appel de Douai qui expliqua la situation de fait en jugeant que postérieurement au 15 octobre 1998, date d’effet de la résiliation amiable, la jouissance s’était poursuivie dans le cadre d’un « bail d’occupation précaire », entendons une convention d’occupation précaire, à laquelle l’université avait pu mettre fin le 15 septembre 1999 pour le 15 octobre 1999 et que par l’avenant, les parties avaient renoncé au statut des baux commerciaux.

C’est dans ces conditions qu’est intervenue la cassation de l’arrêt sur la base d’un moyen qui se développait en trois branches :

1° La Cour d’appel n’a pas caractérisé la renonciation au statut des baux commerciaux ;

2° L’avenant était nul sur le fondement des articles L. 145-15 et L. 145-4 ;

3° La Cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence d’une convention d’occupation précaire.

La Cour de cassation reprend pour l’essentiel la définition de la Cour d’appel qu’elle avait approuvée.

La convention d’occupation précaire n’est légitime qu’à la condition qu’elle réponde à deux conditions :

– l’existence de circonstances particulières (qui n’ont pas besoin d’être exceptionnelles), qui doivent être autres que la seule volonté des parties,

– constituant un motif légitime de précarité, c’est-à-dire une incertitude sur la durée de l’occupation la rendant ainsi fragile.

De nombreux exemples sont connus en jurisprudence : attente de la délivrance d’un permis de démolir, de la réalisation d’une promesse de vente, d’un arrêt de Cour d’appel statuant sur un plan de cession.

Le motif de précarité ne peut pas être constitué par la seule volonté du propriétaire de reprendre son bien à tout moment.

Source : AJDI, Mai 2005, page 386